Chapitre 1

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J'éteins mon alarme en m'étirant, bâillant à m'en décrocher la mâchoire. Je tâtonne pour attraper mon cahier, que je laisse en permanence sur ma table de chevet, et après un coup d'œil sur les pages blanches, je le referme et le repose à sa place. Peut-être serais-je plus chanceuse cette nuit.

Revenue de la salle de bain, je m'habille puis je fais mon lit, me demandant si je le faisais aussi avant, si c'est quelque chose que m'avaient inculqué mes parents, quels qu'ils soient, où qu'ils soient. Je n'ai aucun souvenir de ma vie d'avant. Le vingt-neuf octobre 2021 est le premier jour de ma nouvelle vie. Je ne me souviens de rien d'avant ma sortie du coma où j'étais plongée depuis treize mois. Je n'ai eu aucune visite, personne n'a signalé ma disparition. Un jogger m'a trouvé dans un bois, laissée pour morte. Je n'avais aucun papier d'identité.

Le policier qui est venu me poser des questions n'a pas été plus bavard, pas plus que les infirmières et encore moins le médecin. La seule information que j'ai pu leur soutirer est que je n'avais pas été violée, c'est déjà ça ! Bref, les seules choses que je sais c'est que je ne sais pas qui je suis, et que je ne manque à personne. C'est déjà beaucoup en fin de compte. Si personne ne me recherche, cela signifie que je n'ai plus de famille, ou que je suis une orpheline, et que je n'ai pas ni mari ou de petit ami, ni d'enfant. À moins que ce soit mon conjoint qui ait essayé de me tuer... Mais j'ai arrêté de me faire des films sur les possibilités qu'ait pu être ma vie passée. J'ai une opportunité en or, une de celles que tout le monde rêverait d'avoir : la possibilité de recommencer sa vie à zéro. Mais il y a un problème, je ne sais pas ce que j'aime ni dans quoi j'ai étudié. Rien ne me parle quand je suis dans une bibliothèque. Ni les mathématiques, ni la musique, ni la comptabilité, ni l'architecture, ni les langues. Je fais le tour des rayonnages spécialisés, mais rien ne m'interpelle.

Comme physiquement je suis en bonne santé, à part quelques cicatrices, l'hôpital n'avait aucune raison de me garder. Je me suis donc retrouvé sans logement et sans argent, sans identité. Comme je ne sais pas ce que je sais faire, je travaille dans le seul endroit où l'on ne me demande pas d'avoir un quelconque diplôme. Je me change et range mes affaires dans mon casier, épingle le badge à mon nom. Une des seules choses qui m'appartient en propre, vu que c'est moi qui l'ai choisi, enfin presque, c'est un agent du FBI qui l'a fait pour moi. C'est étonnant les formalités administratives qu'il faut remplir quand on vient au monde à mon âge. Je ne sais même pas quel âge j'ai exactement. Je suis donc née à nouveau le vingt-neuf octobre. Selon le médecin, j'ai dans les vingt-huit ans, aussi, pour l'état civil, je suis désormais née en 1993. La question du nom de famille a été compliquée. Demander à quelqu'un de se donner un nom ce n'est pas si évident que cela en a l'air. À l'hôpital, pour stimuler ma mémoire, ils me donnaient des magazines à lire. Je regardais la couverture du premier sur la pile et je ne cherchais pas plus loin. Kim Davidson. C'est toujours mieux que rien. Il faut juste que je le note quelque part avant de l'oublier, le temps que je m'y habitue. Devon Stuart, l'agent du FBI qui s'occupe de mon dossier, a été conciliant, d'habitude dans ces cas-là, ils ne se cassent pas la tête, j'ai failli m'appeler Jane Smith.

Mon uniforme passé, mon badge avec mon prénom correctement positionné, je sors de la salle des employés et m'active pour préparer l'ouverture du restaurant. Être serveuse ne me demande pas de me questionner sur mes qualifications. Les pourboires payent bien, aussi je m'en contente. C'est aussi l'agent du FBI qui m'a aidé à démarrer, le gouvernement se portant garant pour moi en me trouvant un appartement. À peine arrivée dans mon nouveau chez-moi, j'allais faire le tour du quartier pour le découvrir quand une offre d'emploi allait régler mes soucis financiers. L'entretien d'embauche fut probablement le plus étrange que le propriétaire, Paul Fraser, n'ait jamais fait. Je n'avais aucune expérience, que je sache, aucune référence, pas de compte en banque. Pour obtenir une réponse, il dut appeler au numéro que je lui tendais, où on lui expliqua mon cas. Une fois raccroché, il me regarda en se demandant s'il allait me donner une chance ou s'il allait s'attirer des problèmes. Mais sa question me fit rire.

Killer loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant