Le lendemain matin, ce sont les rayons du soleil qui me réveillent. J’étouffe un bâillement : je n’ai pas assez dormi. Lorsque je descends, je trouve Mapor en grande discussion avec l’aubergiste joufflu.
“-...oui, vous aurez huit épreuves sur votre chemin si vous souhaitez rejoindre le palais de Erialimis.”
Il ne cache pas son mépris. Il doit penser que nous sommes à sa solde. Ses missionnaires ne sont pas particulièrement bien vus ici. J’entends Mapor s’indigner.
“-Huits obstacles !? Par Naïali, Aïna, tu as entendu ça ? On ne parviendra jamais à tous les surmonter !”
Notre cher roi a quelque peu l’esprit défaitiste. Je ne tente pas de le rassurer : je sais bien que cela ne servira à rien. Après avoir pris un petit déjeuner rudimentaire, je rejoins Pépite, qui à cause de sa taille, n’a pas pu dormir à l’intérieur.
“-Bonjour Pépite, bien dormi ?
-Pas plus que toi apparement”, me répond-t-elle, l’air taquin.
Mince, ça se voit tant que ça ? Je me frotte le visage, gênée.
*
Voilà maintenant deux jours que nous volons sur le dos de Pépite sans discontinuer. Nous nous sommes reposés comme on pouvait, voire pas du tout. Nous finissons par atteindre une tour haute de plusieurs milliers de mètres - et non, je n’exagère pas. Elle est si grande que je suis certaine que même avec les yeux les plus performants de Zolm, on ne pourrait pas apercevoir son sommet.
Mapor, que les deux jours de vol ont contribué à rendre encore plus grincheux que d’habitude, se met à grogner.
“-J’espère que cette tour n’est pas le premier obstacle, parce que je vous jure que je fais demi-tour illico !
-Eh bien vas-y Mapor, tu peux tout de suite commencer à courir, si tu veux rentrer chez toi avant que je ne vous fasse cramer, toi et ta négativité !” lance Luno.
Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire, et rapidement, nous sommes tous en train de nous tenir les côtes en pouffant.
Lorsqu’enfin, nous reprenons notre sérieux, je me tourne vers la tour et m’aperçois qu’une porte ciselée se trouve à son pied. Elle est gardée par deux hommes qui se disputent violemment. Quand nous arrivons à leur hauteur, ils se taisent brusquement. Y aurait-il des différents parmi les troupes du tyran ?
“-Bonjour, vous souhaitez passer de l’autre côtés de la tour, j’imagine ? fait l’un, très clairement ennuyé par une situation qu’il doit vivre tous les jours. Il continue :
-Un homme va vous poser des questions, des énigmes plus précisément. Si vous répondez correctement à toutes les questions, vous passerez. Autrement, ne mettez plus jamais les pieds ici. Vous passerez les uns après les autres.
-Bien”, répond Cotton.
Tous me regardent. Bon, j’imagine qu’ils m’ont désignée d’un accord tacite. Je m’avance, et un garde m’attrape le bras, que je dégage d’un coup sec. J’ai peut-être l’air frêle, mais je rappelle que je maîtrise la plupart des arts martiaux, aussi, je suis plus musclée que ce que les gens pensent. Il me regarde d’un air étonné, mais ne dit rien. Je suis escortée dans un dédale de couloirs et d’escaliers. Je ne pourrais jamais me retrouver dans ce labyrinthe, et quelque chose me dit que c’est parfaitement voulu. Nous passons devant une ribambelle de salles luxueuses toutes plus belles les unes que les autres. Ce n’est que sols de marbre, rideaux de velours pourpre, tapis épais et moulures d’or au plafond. Je suis déconcertée. A quoi est-ce que cela peut bien servir d’étaler sa richesse comme ça ? Et surtout, quelle est leur utilité ? Ne sommes-nous pas dans un tour qui constitue la première épreuve ? Erialimis reçoit-il des alliés importants dans ce bâtiment ? Ou alors cherche-t-il juste à impressionner les passants ? Que de questions sans réponse ! Je cesse de me torturer l’esprit, car je vois que nous nous sommes arrêtés devant de lourdes portes taillées. Le garde m’abandonne, et je pousse l’un des battants. Je me retrouve dans une pièce étonnamment sobre, comme si Erialimis avait voulu faire passer un message : regardez bien cette richesse, car elle n’est pas pour vous, vous ne méritez que la boue.
“-Bonjour”, susurre une voix grave.
Je cherche du regard sa provenance, puis j'aperçois une grille sur le mur du fond.
“-Quel courage, se cacher derrière une grille pour me parler ! Suis-je si effrayante ? raillé-je.
-...
-Eh bien, vous avez perdu votre langue ?
-Qui es-tu ? gronde la voix.
-Cela ne vous regarde pas. Je ne connais pas votre identité, je n’ai aucune raison de vous dévoiler la mienne.
-Si tu veux. Commençons alors. Quel animal a quatre pattes le matin, deux le midi et trois le soir ?”
Il me croit sortie d’une grotte ? Tout le monde connaît cette énigme. Quoique, il est probable que certains visiteurs viennent réellement de grottes.
“-C’est l’homme. Parce qu’au matin de sa vie, il est encore un nourrisson et marche à quatre pattes. Puis, au midi de sa vie, il est adulte et marche à deux pattes, debout. Enfin, au soir de sa vie, il est vieux et marche à trois pattes : ses deux pieds et sa canne.
-Bien. Voyons si tu connais celle-ci. Plus j'ai de gardiens, moins je suis gardé. Moins j'ai de gardiens, plus je suis gardé. Qui suis-je ?”
Je réfléchis. Une chose qui est gardée par peu de personnes, et qui ne doit pas l’être par un grand nombre… Qu’est-ce qu’on ne veut pas partager ? Un être aimé ? Non, ça ne colle pas… je sais !
“-Un secret.”
Il émet un bruit approbateur, et le garde revient me chercher, comme appelé par une force invisible. Celui-ci me guide dans les couloirs, et me laisse de l’autre côté de la tour. Je m’assois donc sur un rocher, et me mets à attendre mes amis. L’entrevue n’a duré que quelques minutes, et ils ne devraient pas tarder à arriver. La voix m’a posé seulement deux énigmes, j’imagine qu’elle a dû penser que je suis suffisamment intelligente et cultivée pour avoir le droit de parler avec Erialimis.
Une heure plus tard, nous étions tous réunis derrière la tour, excepté Pépite. Elle est si imposante que l’inconnu a dû sortir sur un balcon pour lui énoncer les énigmes, m’ont raconté Amiry et Luno.
“-Regardez ! Ce n’est pas elle qu’on voit là bas ?” crie Cotton.
En effet, un point doré se déplace à grande vitesse dans le ciel. Il descend dans notre direction. C’est effectivement Pépite.
Une fois qu’elle nous a rejoint, nous repartons, car nous savons que nous avons encore un long chemin à parcourir. De plus, nous sommes maintenant sur le territoire de la tyrannie de Erialimis.
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Aïna, fée et bien plus
FantasíaJe m'appelle Aïna. Je suis la princesse héritière de l'empire fé de Ganélia, mais les grands sages ne sont pas tout à fait de cet avis. Pour pouvoir rentrer chez moi, je vais devoir tuer le tyran qui terrorise le monde de Zolm : Erialimis. Mais comm...