La décision

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Une magnifique fée se balance doucement sur une liane. Elle est d’une beauté naïve, angélique. Sa peau pâle est éclairée par les rayons du soleil levant. Sur ses épaules, ses cheveux blancs et bouclés, parsemés de mèches multicolores, cascadent jusqu’à ses hanches. De son dos sort une paire d’ailes de papillon gigantesque, que l'on croirait recouvertes de milliers d'écailles irisées. Entre deux boucles nacrées, on peut apercevoir des oreilles pointues, dont la droite est percée de deux anneaux d’or. Son front délicat est enserré d’une chaîne dorée, sertie d’un diamant simple en son centre. Au dessous, de grands yeux d’argent, ourlés de longs cils bruns, observent l’aube d’un air penseur. Un léger grain de beauté vient pimenter son regard, juste sous son œil droit. Son nez en trompette hume le parfum d’une élégante rose blanche sur laquelle perle la rosée du matin. Inconsciemment, ses lèvres pleines et pourpres, seule tâche vive dans ce tableau idyllique, s’agitent dans un chant inaudible.

C’est moi, Aïna, l’unique héritière de l’empire féerique. Du moins, c’est comme ça que mes courtisans me décrivent. Je me lève avec autant de grâce que possible, faisant jouer sous ma peau mes muscles puissants et fins. D’un battement, je décolle, et, dans un dernier éclat éblouissant d’ailes, je rejoins le palais que l'on voit briller dans la forêt.

Je me pose devant la porte du palais, mes cheveux à peine ébouriffés par mon petit voyage. D’un pas léger, je me dirige vers l'entrée et, d’un mouvement de la tête qui fait cascader mes cheveux soyeux, je salue les gardes. Respectueux, ils s’inclinent profondément et murmurent d’une même voix :

“-Bienvenue votre Altesse.”

J’éclate de rire.

“-Voyons, je vous ai déjà demandé de m’appeler simplement Aïna !”

Sans attendre leur réponse, je pénètre dans le château. Ce dernier est, contrairement à ce que l’on pourrait penser d’un palais impérial, modeste, à l’image de ses occupants. Les fées et les fés sont des êtres surpuissants, les seuls qui sont capables de créer et de manipuler une grande quantité de magie. Ils sont extrêmement légers, possédant des muscles très peu denses et, à la manière des oiseaux, des os creux. Leurs ailes reproduisent généralement les formes et motifs de celles de différents insectes, les rendant tous et toutes très différents les uns des autres. Leurs cheveux, eux, contrairement à leur ailes, ne sont que peu colorés : ils sont le plus souvent extraordinairement clairs, parfois blancs. Ils les portent longs, et ils rassemblent leurs boucles épaisses en de magnifiques coiffures élaborées. Certains possèdent des mèches de couleurs qui reflètent leur puissance : plus il y a de couleurs différentes, plus leurs pouvoirs sont grands. Une de leur légende raconte que plus une âme est pure, plus les cheveux de son porteur seront clairs. Leur tradition veut qu'à chaque nouvelle décennie vécue par une fée, celle-ci doit placer un anneau sur son oreille droite. Ils vivent à l’est du monde de Zolm, dans le gigantesque empire de Ganélia, dont la capitale est la belle Ganéée aux milles couleurs. Car, si les fées en elles-mêmes ne sont pas très colorées si l’on excepte leurs ailes et leurs yeux, leurs habitations, elles, semblent cumuler toutes les teintes du monde. 

Je me rends dans la salle du trône, où j’ai été appelée.

"-Bonjour mère ! Tu m’as demandée ? dit-je en lui lançant un regard interrogateur

-Oui ma fille. Je sais que ce que je suis sur le point de te dire va te choquer mais, je t'en supplie, écoute moi jusqu'au bout… “

Qu’est-ce qu’elle pourrait bien me dire qui risque de me faire fuir ? je me demande. J’observe ma mère. Avec son teint de porcelaine et ses immenses yeux de jades, à moitié cachés par de longs cheveux blonds lisses, elle aurait de quoi se vanter, elle, Elina, impératrice féerique. Mais sa modestie la rend d'autant plus belle. De délicats bijoux sont tressés sur chacune de ses mèches, produisant un joyeux bruissement métallique. Sa robe de tissu fin semble comme toujours flotter autour de ses jambes, soulevant encore un mystère que je n’ai jamais résolu. Mais sa voix me tire de ma contemplation :

Aïna, fée et bien plus Où les histoires vivent. Découvrez maintenant