Le reste de ma journée s'achève bien vite, j'ai pris mon repas seule, le marquis et sa femme me terrifient un peu trop pour que je mange en tête à tête avec eux. Apparemment, il n'y a que moi qui remarque leur drôle d'apparence. Cécile m'a tellement bordée dans les draps de mon lit que j'ai l'impression d'avoir été mise dans une camisole de force. Au moins, je ne risque pas de tomber du lit puisque je suis incapable de bouger. Elle a empilé tout un tas d'autres couvertures en plus. Je transpire comme un phoque dessous, mais elle est satisfaite de son travail, je la vois se frotter les mains.
Le sommeil met un moment avant de se manifester et lorsque je me réveille, je sens quelque chose d'étrange, comme si j'avais vécu un décalage horaire plutôt violent. Pourtant rien ne semble avoir bougé ni changé puisque je suis encore et toujours dans ce roman.
J'ai envie de rester au lit aujourd'hui, mais c'est sans compter sur Cécile qui me rejoint avec beaucoup trop d'entrain.
– Mademoiselle ! Enfin, dépêchez-vous. Elle arpente la pièce avec énergie, telle une tornade qui détruit tout sur son passage. Elle jette mes robes une à une sur le sol, aucune d'elles n'étant assez bien pour aujourd'hui.
– Calme-toi Cécile. Que se passe-t-il ? Je replonge dans les couvertures et en passe une au-dessus de ma tête lorsqu'elle ouvre les volets.
– Vous allez être en retard.
Elle me hurle presque dessus et me découvre entièrement. Je tente de me rouler en boule contre l'oreiller, mais rien à faire, Cécile s'en saisit. Je grogne pendant qu'elle continue à s'agiter dans tous les sens.
— En retard pour quoi ? Je finis par articuler en me relevant, j'ai perdu cette bataille, mais pas la guerre.
— Mais voyons, le bal des débutantes a lieu ce soir !
— Pardon ?! Cette fois-ci, je suis pleinement réveillée. Mais ce n'est pas possible, si ? Ou bien, ai-je dormi pendant presque une semaine ? Mais le bal n'a pas lieu avant la semaine prochaine... Je murmure.
— Et votre présentation a lieu cet après-midi. Réveillez-vous ! Nous n'avons pas de temps à perdre.
Je reste plantée comme une statue dans le lit, j'avance le temps lorsque je dors ? Ou alors est-ce un changement de chapitre ? Ce monde me déroute à chaque seconde qui s'écoule, mais cela expliquerait mon sentiment de décalage horaire. Les jours sans intérêt passent aussi facilement qu'on tourne une page.
Pendant que je tergiverse, Cécile me tourne autour et me donne le tournis, elle me bouscule hors du lit et je me retrouve ensevelie sous une multitude de vêtements.
Ensuite, elle s'attelle à mes cheveux, elle les tire dans tous les sens et y coince ses habituelles épingles, mais cette fois-ci, j'en ai mal au crâne. Après, elle sort de quoi me ravaler la façade, du maquillage d'époque. Il est bien plus léger que celui que Mina m'avait forcée à porter une fois. Ce fut un épouvantable échec. Cécile m'applique une poudre blanche sur le visage, éclaircissant mon teint déjà pas bien bronzé puis un fard à joues rosé et un rouge à lèvres à peine visible. C'est presque à se demander si elle m'a fait quoi que ce soit.
Lorsque je peux enfin me libérer de la grippe de Cécile, je prends un quart de seconde pour m'admirer dans le miroir, ce roman fait des miracles. Je reste loin de la taille mannequin, pourtant elle a réussi à me mettre en valeur de façon plutôt exceptionnelle. De la robe aux cheveux, tout est parfait. C'est décidé, j'adore Cécile.
La robe qu'elle a sélectionnée pour mon introduction à la cour et à la reine est couleur parme et faite sur mesure, elle est brodée à la main et sertie de quelques perles. Montrant le rang social de mes parents, mais de façon assez sous-entendue.
Je n'ai pas le temps de profiter que Cécile me tire par le bras. Elle a déjà fait appeler le cocher, les chevaux sont prêts et n'attendent que moi. Sa mise en beauté aura duré bien longtemps. J'ai à peine le temps de prendre un châle et un réticule. L'empressement de Cécile en devient stressant, une petite boule d'angoisse me surprend. Mais j'ai aussi hâte de découvrir la cour royale de mes propres yeux ainsi que la reine mère. Et finalement ma petite boule nerveuse se transforme en panique lorsque je prends conscience que je ne connais absolument pas le protocole. Et si je dis n'importe quoi, la décapitation m'attend à coup sûr ! Ou pire en fonction des mœurs de cette époque...
Je manque de m'étouffer avec ma salive lorsque nous arrivons à destination. Toujours abasourdie par la beauté du lieu, je ne suis pas loin de m'étaler par terre en sortant du fiacre.
Je vois quelques autres des jeunes filles, venues pour cette occasion si particulière, rire derrière leurs éventails. J'entends quelques-uns de leurs commentaires désobligeants sur mon poids et ma maladresse, ou encore sur la justesse de mon corset, inutile pour certaines, pas loin de craquer pour les autres. Même ici, il n'y a que le physique qui compte. Je les observe de plus près, elles sont à peine plus larges que des clous. S'affament-elles pour arriver à ce résultat ? Si cela se trouve, ici les filles ne vivent que d'amour, d'eau fraîche et de thé. Je ne me laisse pas démonter par leurs remarques, j'ai l'habitude seulement ici, c'est en langage soutenu.
Je monte l'escalier avec beaucoup de précautions, pour me pas réitérer mon exploit en sortant du fiacre. Cécile m'a affublée d'horribles souliers très peu confortables. Les autres demoiselles se pavanent comme des oies décérébrées et s'entassent devant la porte principale.
S'il était respectable de se battre, elles ôteraient tous leurs bijoux ostentatoires et se jetteraient les unes sur les autres. Je reste à l'écart de la débâcle avec une autre des jeunes filles. Cette dernière est nerveuse, elle tire sur sa robe, la lisse cent fois à la minute, pourtant, elle n'a pas de quoi être nerveuse, malgré sa tenue plus sobre que les filles autour de nous, elle doit être la plus jolie demoiselle de cette saison. Elle trouvera facilement un bon parti, en attendant, elle au moins à un visage contrairement aux autres.
Cette fille a les traits du visage les plus délicats que je n'ai jamais vus et de beaux yeux bruns. Ses cheveux blonds encadrent son visage, elle a un air d'ange. La petite cicatrice derrière sa nuque me permet de reconnaître Eleanor, fille du vicomte Beaugram,la plus simple des demoiselles présentes ici. Celle qui attirera l'œil du prince héritier en un instant, et cela lors du bal d'introduction donc, ce soir.
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Un prince à tout prix (Édité)
Подростковая литератураGwendoline s'ennuie dans sa vie, l'université ne l'emballe pas et elle peine à sociabiliser, même lorsqu'il s'agit de ce charmant jeune homme à la bibliothèque sur lequel elle a craqué. Un soir, elle fait le vœu de voir sa vie changer. Et c'est cho...