Chapitre 6.2

5 1 0
                                    

Pas le temps de partir à sa recherche qu'Eleanor entame son entrée. Elle s'avance avec beaucoup de grâce vers l'escalier, je l'imagine presque flotter sur un nuage. L'assemblée se tait, plus rien ne se fait entendre, chacun retient son souffle en la voyant. Tous, sauf une personne.

— Vous étiez tout aussi belle à voir. Sa voix chaude murmure à mon oreille et me fait sursauter. Je me retourne un peu brusquement pour identifier le responsable de ce soubresaut.

— Docteur Philbert, vous m'avez surprise. La main encore postée sur le haut de ma poitrine, j'essaie de respirer calmement pour ralentir les battements effrénés de mon pauvre petit cœur effrayé.

— Excusez-moi, je n'aurais pas dû vous approcher aussi furtivement. Mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Son petit clin d'œil m'indique qu'il s'est vengé de mes taquineries et qu'en plus, il est fier de lui. Votre robe vous sied à merveille.

L'esprit ailleurs pendant un court instant et le brouhaha ambiant revient en un claquement de doigts. Je n'ai nul besoin de me retourner pour savoir que j'ai, une fois de plus, loupé Eleanor lorsqu'elle descend les escaliers. Demain soir sera mon ultime chance. J'abandonne le médecin, moi aussi je peux jouer. Et me redirige vers le buffet, je compte bien m'y atteler une fois de plus, le sucre c'est la vie.

Alerte, je regarde de tous les côtés à chacune de mes bouchées, je ne voudrais pas être de nouveau surprise par l'inconnu d'hier ni par ses critiques sur ma façon de manger. Heureusement, je ne tombe que sur les regards furieux de Cécile, à en croire son froncement de sourcils, s'empiffrer ne doit pas faire partie des bonnes manières ni du guide de séduction des jeunes filles. Je hausse les épaules en sa direction et la vois vannée par mon manque de retenue. Je redépose le merveilleux mets qui me faisait envie à sa place, jugeant que j'avais déjà bien assez fait tourner la tête de mon chaperon ce soir.

— Vous voilà bien raisonnable ce soir, mademoiselle. Me dit une voix que je ne reconnais que trop bien. Je laisse échapper un petit soupir d'ennui. Cela dit, vous voir manger avec tant d'appétit est rafraîchissant. Tout le monde regarde la nourriture sans jamais vraiment y toucher et nous finissons par tout jeter, un tel gaspillage est agaçant.

— Vous travaillez donc ici. J'en conclus par sa façon de parler. Il doit probablement s'occuper du service, cela explique pourquoi il traîne autour du buffet lui aussi. Peut-être s'est-il battu pour une mignardise demandée par un membre de la famille royale, mon esprit divague.

— On peut dire cela. Accepteriez-vous de m'accompagner à l'extérieur quelques instants ? J'ai le droit à une courte pause. Je l'imagine sourire sous son masque qui recouvre tout son visage ce soir.

— D'accord. J'accepte surtout parce que mes pieds me font souffrir le martyre et que j'apprécie plus le paysage extérieur que la foule. Il me tend son bras et je le saisis, gardant un espace raisonnable entre nos deux corps.

On se retrouve assis au même endroit que la veille, c'est drôle, car maintenant j'ai l'impression que tous les bals se ressemblent alors que je n'aurais participé qu'à deux d'entre eux. Toutes mes lectures m'embrouillent l'esprit, les faux souvenirs n'aident pas non plus. 

Un prince à tout prix (Édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant