Chapitre 3 Colisée

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C'était un jour d'automne, les souvenirs de mon périple dans les bas-fonds :

Les jours, les nuits et les semaines passèrent ; je divaguais sans but dans la ville morose, m'occupant des tâches ingrates.

J'étais serveur dans un vieux cabaret et je ne gagnais que des pièces de bronze. J'avais un patron tyran ; mes services étaient accompagnés de cris, de violence et d'insultes. Mes salaires, eux, pouvaient être coupés de moitié suivant les envies du patron ; les services supplémentaires n'étaient guère rémunérés, c'était une simple obligation, une formalité qu'il disait. Il professait avec insolence qu'ils étaient le gage de ma bonne volonté. Je n'avais pas qu'un mandat précis ; j'étais aussi un homme à tout faire. Une sorte d'esclave moderne payé au lance-pierre, à ses yeux, j'étais une ordure qui devait s'abaisser pour survivre. Il contrôlait la ville par sa richesse et était le seul à offrir un emploi aux étrangers. Le patron en profitait pour s'enrichir encore plus, car il n'avait de comptes à rendre à personne. Dans la déchetterie, il est l'exécrable roi. Cette expression n'est pas la mienne, elle appartient aux locaux ; quand le patron tourne le dos, ils murmuraient ironiquement cette phrase, le sourire au visage. Il disait que cela les requinquait, qu'il avait l'impression de se révolter.

De l'aube claire jusqu'à la fin du jour, une question hante mes pensées : qu'allais-je donc devenir ?

Je n'avais ni Houlmia, ni la Perse où je vivais convenablement.

Ici, dans les bas-fonds, je survivais au jour le jour. Chaque matin était une peine au réveil. Je souhaitais la maladie pour éviter la besogne, mais mon patron, ce grossier personnage, était de ceux qui ramèneraient un médecin payé à l'or pour pouvoir me traiter de fainéant, de menteur, de faux malade sous la joute de la médecine. Je n'étais certes pas malade physiquement, mais je le jure, mon esprit, lui, il était malade ; il s'assombrissait dans le désespoir d'un homme s'étant retrouvé par la force des choses dans un désert sans oasis. À chaque pensée noire, je me convainquais que je n'avais rien, que je grossissais le trait. Que c'étaient de simples pensées passagères.

Mais dès que je les oubliais, que je fermais les yeux, elle revenait avec plus de véhémence me hanter.

Je ne me comprenais pas. Je ne savais ce que j'avais. Je ne pouvais le savoir.

Donc, comme un damné, je replongeais difficilement dans mes longues journées, car c'était tout ce que je pouvais faire. Moi, pour me requinquer, je me répétais chaque matinée : « tant que le soleil se lèvera, je vivrais ».

Mon travail, lui, ne me permettait de toucher que du bronze. Et dire que j'étais payé à l'or en Perse. À ce rythme, Houlmia n'était qu'un songe ; il m'aurait fallu 40 ans pour récupérer les 2000 pièces d'or. 40 ans de dur labeur sans manger à ma faim, en vivant dans les intempéries de la rue aux couleurs de charbon. Je nageais à contre-courant, je perdais espoir. Sans le vouloir, je rejoignais les abysses, je devenais un marginal... Un marginal...

Les matinées, comme je le disais, étaient bercées par le besoin de ne pas me retrouver à la besogne, et le soir, lui, était bercé par une autre espérance : celle du jour promis où, un beau matin ensoleillé, je me présenterais sans uniforme et dirais toutes mes vérités à mon patron, cet homme pervers, opulent et malhonnête. Ensuite, je lui remettrai, accompagné d'un crachat revanchard dans la paume de ma main droite, ma lettre de démission. Je quitterai ensuite les lieux sans me retourner. Pourquoi un crachat me diriez-vous ? Alors, je vous répondrais qu'après tout, je n'allais pas l'accabler avec un au visage ; Après tout, je ne suis pas complètement un sauvage. Mais tout cela n'était qu'un rêve, je le savais. Je le créait pour ne pas encore plus sombrer. Il était certes un peu cliché, mais cette vision me mettait du baume au cœur, elle me donnait la force du lendemain, car elle était l'une de mes seules échappatoires dans la chaleur aride des bas-fonds. Elle me permettait de penser à plus tard. Depuis que je suis ici, je dois m'efforcer de penser ; mes introspections m'effraient, elles me donnent de sombres envies.

HoulmiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant