Chapitre 1 Vivace

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Empire perse

— Je t'accorde, bénédiction fils, que ta mission se déroule sans encombre. Sache que tu n'es guère le bienvenu dans les contrées lointaines d'Occidia. Je vais être bref, mais sache que ta besogne doit être brève ; un conflit est à l'horizon et tu n'es pourvu d'aucune protection diplomatique. Un homme t'attendra à Occidia ; il te guidera. Sama, je t'aime. Promets-moi que je te retrouverai vivant.

Le jour décline et le crépuscule croît, quand enfin, j'aborde les eaux de la république d'Occidia.

— Me voici enfin arrivé !, criai-je d'un air sans gêne, d'un ton presque candide.

Je débarque du bateau tout en prenant mon carnier de voyage, qui ne contient qu'une humble bourse. Le soleil est tapant, et j'ai cette impression que la chaleur se dandine sur mon visage. Une foule immense remplit les marchés, en mouvement, ils donnent cette impression de s'entrelacer sans se heurter. Au fil de ma marche, je ne peux qu'être ébloui à la vue des tapisseries exotiques et autres marchandises à tout-va qui remplissent les étagères des vieux cabarets surfréquentés. La cité est vivante, tumultueuse.

Tout en essayant de me frayer un passage à travers la foule, vers la route menant à la place centrale de la ville, je murmure d'un air amusé :

— Quelle fourmilière, cette cité.

Et pourtant, quel air pur. Ne pouvant résister et malgré ce pourquoi on m'a missionné, je décide de prendre un petit moment afin de visiter cette merveille. L'homme m'attendant me retrouvera certainement. Si je devais décrire cette étrange ville entièrement pavée de roches d'une couleur anthracite, je dirais que l'ambiance est pesante, mais pas d'une pesanteur maladive.

L'ambiance est tout simplement riche, richement pesante. Tout est à couper le souffle, tout est plus enjoué, tout est plus grand en comparaison à mon désert natal, qui, lui, s'est construit dans l'effacement, laissant moins de place à l'abondance. Étrangement, moi, je l'aime bien cette cité aux mille dissemblances.

D'ailleurs, elle porte bien son petit surnom de reflet du globe. Cette cité est bel et bien une dimension à part qui sert de porte-monde. Elle semble abriter un peu de toutes nations. Elle porte même en ces terres un oxymore d'une dualité historique ; il y a tant de variété architecturale qu'un simple détournement du regard nous ferait passer du style baroque, avec ses coupoles majestueuses et irrégulières, au style mauresque qui, quant à lui, à travers ses muqarnas, est d'une harmonie sans fin. Je continue ma marche au gré des vents, sans but précis, dans une errance joviale. Je croque à pleines dents la pomme qu'est la vie. C'est l'un de mes premiers voyages, loin de ma Perse natale, loin de mes livres qui m'ont montré une Occidia bien différente, une Occidia de misère.

Brusquement, un soleil aveuglant apparaît, puis des nuages moroses surgissent. Des regards aux allures de sicaire commencent à me talonner.

Je sens que le mauvais œil commence à m'atteindre, tel un essaim de criquets. Le fruit de mon histoire me rattrape. Définitivement, ici-bas, tout est éphémère, la joie comme le malheur. Une pensée me traverse l'esprit : « Une malédiction, pardi, une malédiction qui me pourrissait l'existence. » Les yeux me suivent et semblent arborer un ton accusateur, pourtant je n'avais rien fait. Le problème ici n'était pas ce que je faisais, plutôt ce que j'étais. Je n'étais pas dupe, toutefois j'essayais de feindre et d'ignorer. Pourtant, je le sentais. D'ailleurs, cela fait quelque temps déjà qu'un vieil homme au loin semble me toiser du regard avec une plus grande. insistance que les autres. Le comble était qu'à une époque révolue, mon allure était une source de fierté. Par notre force et notre histoire, mon peuple était considéré comme le berceau de l'humanité, les pionniers de l'histoire : nous étions les guerriers. Plus le temps passait, plus les regards se posaient, et plus le danger se faisait sentir.

HoulmiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant