Chapitre 2 Songe

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Reprise de conscience, les bas-fonds

Mon regard est flou. Ma respiration est étouffée. Un son strident me transperce l'âme. Les alizés guidant les effluves me traversent le corps. Un bourdonnement m'assaille les oreilles. Peu à peu, je récupère mes capacités motrices, malgré des courbatures qui meurtrissent mes entrailles.

- Diantre ! Que maux de tête. Pensai-je à haute voix.

Mais où est donc passée la grandiose, que sont ces terres qui semblent crier leur amertume ? Je hausse mon regard et avance ébahi, j'avance à travers les méandres d'une ville qui, au premier coup d'œil, est dans un état de ruine absurde, non propice à la vie. Construite sur des terres brûlées, sous un ciel qui flamboie. Mes seuls compagnons de route sont une triste pluie et les éclairs rares tambourineurs. Tout est chaos : entre les déchetteries qui jonchent les sols et les demeures humblement construites sur une côte qui ne présente que de la charpente. Je ressens un malaise, j'avais cette impression d'être l'infime qui vagabonde dans l'urbain.

Que dire des modestes forts, désuets par le temps, qui pourtant sont encore là, debout. Des forts où la mousse recrée les briques, où les brisures redessinent l'architecture. Leur fière allure n'est plus, aujourd'hui, ils exhalent la confusion.

Une brume se forme, et le terroir de gène gauchit.

Je suis à présent entièrement trempé. J'ai la chair de poule et je ne peux que penser en marchant. Je me disais qu'il fallait que je me trouve une auberge pour me reposer, du moins si elle existe en ces lieux qui me paraissent maudits.

Visiblement, tout est à construire, toutefois je ressens une amnésie, une histoire, une raison. Il y a quelque chose qui ne va pas. Où Ja'afar m'a-t-il déposé ? Où pourrais-je recueillir des informations ? Suis-je dans la république qui, hier encore, me paraissait fortunée ? Et cette cité, elle semble abriter un sombre secret. Lequel, je ne le sais pas encore. Mais j'ai cette intuition qui présage le pire.

Il faut comprendre mon état de trouble. Il n'y a rien au monde qui soit aussi délabré et habité ; j'ai cette impression qu'il y a une volonté de nuire. Définitivement, la fatigue me fait fabuler.

Tout est grisâtre.

Je ne sais pas depuis combien de temps, je marche, ou plutôt, je traîne des pieds, en tout cas, j'ai cette impression que les heures passent. Je déambule dans ce qui parais être des bas-fonds, sans but précis, guidé par mon instinct. La faim et la fatigue commencent à se faire de plus en plus ressentir. À force d'errance, mon regard se pose sur un début de pavé aux couleurs et à l'odeur de charbon. La cité commence à se dessiner, s'animant lentement, laissant moins de place aux ruines inhabitées. Pourtant, la brume de misère ne se dissipe guère, elle me laisse une vision restreinte. Tout en avançant, je commence à prêter un peu plus attention aux enseignes de la ville nouvellement apparues. Mon état, à l'image de ces terres, est lamentable. L'usure me ronge le corps et l'âme. Mes jambes fléchissent, elles sont sur le point d'imploser, mes yeux somnolents s'ouvrent et se referment, victimes de spasmes causant leurs tremblements. Le temps avançant inexorablement, la fatigue se fait de plus en plus sentir, elle me gêne.

Au loin, je vois un bâtiment à l'allure d'auberge. C'est bel et bien une auberge, me confirme un écriteau en bois typique de ce genre de lieu. L'auberge est rustique et victime du temps, mais étrangement, elle garde un certain charme. Elle est là, tapis dans l'ombre. Elle est là, la robuste, avec ses murs de pierre grise couverts de plantes grimpantes. Elle dégage une impression de chaleur dans ce froid nuiteux. Une fois devant, j'ouvre le portail et l'enjambe avec une certaine difficulté, puis me dirige vers l'accueil. En entrant, je ressens le feu d'un foyer. Le feu m'illumine, il danse. L'air est imprégné d'une odeur de foin frais se mélangeant avec celle du bois brûlé.

HoulmiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant