17- "Mon 6ème sens ne me trompe jamais." 2/3

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Eliz se précipita et lui prit les mains.

– Ne vous alarmez pas, je ne viens pas vous apporter de funestes nouvelles. Je n'ai pas revu Johann depuis mon retour. J'ignore où il est et ce qu'il fait, tout comme je n'ai aucune idée de ce qu'il s'est passé ici depuis l'invasion.

Légèrement rassurée, la vieille femme se reprit et porta ses poings à ses hanches.

– Et où étiez-vous donc tandis que ces gens envahissaient notre pays et tuaient notre roi ? demanda-t-elle sévèrement.

Le visage d'Eliz se crispa. Ces reproches, elle se les était déjà bien souvent adressées à elle-même.

– J'ai suivi ses ordres, essaya-t-elle de se justifier, et tenté de ramener des renforts. Je n'ai abordé à Riven'th que depuis quelques jours.

– Alors j'espère que vous avez ramené une armée, interrompit la vieille femme.

Eliz détourna le regard avec honte.

– Si seulement... dit-elle.

Voyant son accablement, la fermière s'en voulut de déverser sur la jeune femme ses angoisses et ses frustrations.

– Pardonnez-moi, dit-elle en lui tapotant la main. Je sais qu'en temps de guerre des choix douloureux doivent être faits, et ce n'est pas à moi de les juger. Je ne suis qu'une vieille femme ignorante. Dites-moi plutôt ce qui vous amène ici.

– Le hasard et... une rumeur, répondit Eliz, et sa voix se fit soudain pressante. Nous avons entendu dire qu'une escouade sulnite se dirigeait vers Grünburg et regardez...

Elle tourna les yeux vers une des grandes ouvertures qui aéraient la pièce. Un panache de fumée noire barrait le ciel en direction du village, et maintenant l'odeur de brûlé se devenait perceptible, même à l'intérieur.

La vieille femme blêmit à ce spectacle. Son travail l'avait si bien absorbé qu'elle n'avait prêté aucune attention à ce qui l'entourait.

– J'ai eu peur pour vous, continua Eliz. Je craignais que cela ait un rapport avec Johann, qu'ils cherchent sa famille ou bien... quelqu'un d'autre...

Les deux femmes échangèrent un long regard.

– Martin, rassemble tout le monde dans la cour vite, ordonna Mme Feuerbach à l'ouvrier qui avait amené Eliz. Dépêche-toi !

Et alors que celui-ci dévalait dans les escaliers, elle posa la main sur le bras d'Eliz :

– Vous êtes au courant ? demanda-t-elle à mi-voix.

– Je n'ai fait que supposer. Mais l'idée était si grave que j'ai aussitôt foncé jusqu'ici. Dites-moi.

La vieille femme s'approcha d'Eliz et baissa encore la voix :

– Il y a plus d'un mois, Johann est venu, il nous a amené la princesse Hermeline, nous a laissé quelques consignes et il est reparti. Je n'ai plus eu de nouvelles depuis. Nous l'avons cachée parmi nos ouvriers. Seuls mon mari et moi sommes au courant de sa véritable identité.

– Et son frère ? demanda Eliz avec inquiétude.

– Probablement caché ailleurs, Johann a évité de trop nous en dire.

Eliz jeta un autre coup d'œil nerveux par la fenêtre.

– Je l'emmène, finit-elle par dire.

La mère du capitaine Feuerbach la considéra un instant, semblant peser le pour et le contre. Elle hocha la tête gravement.

– Vous ne faites pas partie des consignes, mais il est sûrement trop tard pour envoyer des messages, maintenant. Et la cacher au sous-sol ne me paraît pas assez sûr si les soldats savent ce qu'ils cherchent. Johann avait confiance en vous, alors... allez la chercher et partez. Cachez-la et protégez-la au péril de votre vie, Eliz, je vous en supplie. Tout le monde vous croit morte, vous êtes peut-être notre meilleure chance.

Poussières de TerresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant