10- "Cette opération valait totalement le coup." 1/2

31 7 23
                                    


"Je dois dire que cette opération valait totalement le coup.
Ne serait-ce que pour l'avoir vu grimper à la falaise."
Razilda de Grisval, transfuge.


La vie avait repris son cours dans la carrière. À tous les résistants, le capitaine Feuerbach avait présenté Razilda comme une sympathisante venue les prévenir du piège dans lequel ils allaient tomber à Ostburg. Mais les combattants qui avaient été sur place restaient méfiants à l'égard de la Jultèque, ils avaient assisté aux longs débats entre leurs deux capitaines et avaient compris que la situation n'était pas si simple. Aussi l'intégration de la Jultèque dans le groupe fut-elle plus délicate. Sans compter que son humeur taciturne ne contribua pas à la rendre sympathique aux yeux des résistants.

Une semaine s'était écoulée depuis l'incident d'Ostburg et chaque jour, Saï constatait avec chagrin que le choix d'Eliz l'éloignait peu à peu du groupe. Hermeline refusait désormais de lui adresser la parole, et il n'était pas rare de trouver la jeune princesse en plein conciliabule avec Yerón ou même, chose surprenante, avec Kaolan. Dans ces conversations, on pouvait entendre le nom de la Jultèque souvent répété. Saï, quant à elle, ne se prêtait à ce genre de discussion qu'avec réticence. Elle aurait volontiers étripé Razilda elle-aussi, mais sa fidélité à Eliz souffrait de voir son bon sens si souvent remis en question.

Ce jour-là, pour se changer les idées, la jeune Derujin était venue assister aux séances d'entraînement dont c'était le tour d'Eliz de se charger. Juchée sur une caisse, elle observait son amie donner des directives à quatre jeunes gens nouvellement arrivés. Elle leur montrait comment se déplacer en gardant des appuis solides ainsi que quelques passes de base à l'épée. Malgré son envie, Saï n'avait pas osé demander à participer à l'entraînement, elle ne se serait pas sentie à sa place. Un mouvement à la périphérie de sa vision lui fit tourner la tête vers l'entrée de la pièce. Razilda venait d'apparaître, s'appuyant négligemment contre l'embrasure, elle observait la séance avec intérêt.

Absorbée par sa tâche, Eliz ne prit pas tout de suite conscience de sa présence. Ce fut en se retournant pour parer l'attaque d'un ennemi imaginaire, qu'elle la vit. Elle se figea, un peu embarrassée. Puis, elle se reprit, songeant que si elle voulait aider Razilda à s'intégrer, le meilleur moyen était de la faire participer à leurs activités quotidiennes. Elle lui fit signe d'approcher.

– Viens donc, lança-t-elle, tu tombes à pic, j'ai besoin d'un véritable adversaire pour leur montrer quelques mouvements.

Razilda sembla surprise par la proposition mais elle acquiesça et vint prendre une des épées émoussées réservées à l'entraînement qui s'alignaient contre le mur. Elle se mit en garde en face d'Eliz. Suivant les directives de la Rivenz, toutes deux engagèrent le fer, effectuant quelques passes au ralenti pour que leurs élèves puissent les reproduire. Après un quart d'heure de cet exercice, Razilda parut s'en lasser.

– Et que diraient ces jeunes gens d'une véritable démonstration ? demanda-t-elle soudain.

Les nouvelles recrues ne se firent pas prier pour clamer leur enthousiasme. Ils brûlaient de voir des prouesses qu'ils n'étaient pas encore en mesure de réaliser eux-mêmes.

– Tu es sûre ? demanda Eliz, étonnée.

– Évidemment, rétorqua Razilda en venant heurter la lame de la Rivenz de la pointe de son épée avec provocation. Aurais-tu peur ?

Un sourire d'anticipation s'épanouit sur le visage d'Eliz.

– Je suis totalement paralysée par la terreur, annonça-t-elle dramatiquement en s'élançant brusquement sur son adversaire.

Poussières de TerresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant