Les Flammes

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Ce matin nous sommes toutes réunies à la grande cour pour accueillir la nouvelle directrice de la prison. La précédente a fini dans un lit d'hôpital pour finalement être renvoyée des forces de l'ordre.

Quoi que, j'y suis pour beaucoup. Malgré mon caractère de fer, l'air diabolique que je montre à tout le monde, j'ai l'injustice en horreur. Dans cette prison pour délinquants en phase terminale située en pleine mer, il y'a des ressortissants du monde entier. Blancs comme noirs, chinois comme indiens, nous sommes tous là.

Un mur de béton dur nous sépare de la prison des hommes. Seul leur voix nous témoigne de leur présence. Plus qu'un homme, je suis. Plus d'une fois j'ai été de l'autre côté du mur pour faire valoir ma force. À chaque fois les hommes ont ployé le genoux face à ma force. Et dire que dix ans plus tôt je n'avais rien pu faire. J'étais là comme ça, enfoui dans les bras de ma mère à regarder ma nounou Anne faire de nous ce qui lui passait par la tête.

Pendant que la nouvelle directrice donne ses directives, j'ai le regard vers le ciel. J'y repense, je la revois. Je me renvois à cette soirée, je me renvois dans cette cuisine, dans ma belle robe d'anniversaire. Ce moment où nous étions face à la mort et elle nous souriait.

Jusque là, personne ne comprenait le sourire de Anne. Elle avait pourtant déjà éclaté de rire. Maman avait les yeux rivés sur elle.

Maman : Anne, explique moi ce qui se passe. C'est une blague que tu voulais nous faire ? Elle est de très mauvais goût hein.

Anne : ma douce patronne, la reine de la couture. Je crois que tu te vois encore sur un petit nuage. Tu as déjà tout compris mais tu fais des manières. Dois-je te faire un dessin ? Je t'ai bien dis que la personne qui t'en voulait vivait tout près de toi.

Maman se mit à s'agiter tout doucement pour devenir progressivement agressive. Sa tête allait de haut en bas, de bas en haut, de gauche à droite, de droite à gauche. Ses larmes lui rincaient le visage, elle ressentait ce brin de trahison tout au fond de son cœur. Lucie et moi ne pouvions rien faire. Nous ne faisions que pleurer, ne comprenant rien à la situation. Aujourd'hui quand j'y repense, je me sens tellement ridicule.

Maman voulait lui arracher les cheveux mais elle était fermement tenue par ces hommes.

Maman : je t'ai toujours considéré plus qu'une employé, comme une sœur. Je t'ai pris du village et je t'ai fait instruire. Je t'ai fait intégrer ce monde, je t'ai donné mon cœur. Pourquoi Anne ? Pourquoi une telle trahison ?

Anne : que veux-tu ? Ton argent et ta vie sont sucrés. En entrant dans ta maison je me suis promis d'y goûter avant de mourir. Je crois que je suis sur le point d'y arriver.

Maman : et dire que je t'ai parlé des menaces que mon mari et moi subissions. Je t'ai tout dit sur ces gens alors que c'était toi. Tu es le diable.

Anne : je suis démoniaque, j'ai du sang à l'œil. L'empire que ton mari et toi avez construit doit me revenir. À ce que je sache nous avons appris la couture ensemble. Pourquoi est-ce que tu dois réussir et moi je cuisine pour toi ? Ça, jamais.

Maman : on peut toujours s'arranger. Si tu veux un poste à l'entreprise, on te le donne. On fera comme tout ceci n'était pas arrivé. Je te donne ma parole.

Anne : et moi je dis que tout doit me revenir. Tu devrais plutôt négocier pour tes filles. Ce sont elles qui risquent le plus. Le sort de ton mari et toi est déjà connu.

Maman : Anne, Anne, s'il te plaît, pas mes petites. Demande moi ce que tu voudras mais ne touche pas à mes enfants. Laisse les partir chez leur tante. Laisse les vivre. Elles n'ont rien fait, elles sont de petites innocentes.

La Dame De Fer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant