Le Ministre

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Le ministre grelotte, sa veste vibre. Il a la bouche ouverte, il comprend tout, sauf ce qui se passe. Anne observe la scène sans rien comprendre. Elle attend la suite comme tous les médias qui ont déjà leur micro enregistreurs devant la Daronne.

Elle semble ne pas être avec eux. Elle fouille du regard la salle. Elle cherche quelque chose ou quelqu'un. Je suis son regard, il retombe sur Jospin qui n'a pas pu s'en empêcher. Mon étalon à l'intelligence flagrante a fondu devant sa génitrice. Il se couvre le visage, et bouscule dans la foule. Il avance lentement puis rapidement. Elle tend les bras et peine à avancer sans être fermement soutenue. Elle marque deux pas et s'arrête. Son fils est devant elle. Ils se regardent, ils se contemplent.

Jospin rapproche sa paume de main du visage de sa mère. Il tremble, il sombre dans l'émotion. Elle n'en peu plus, il n'en peut plus. Sous regard du monde, il se jette dans les bras de sa mère pour la première fois. Il n'avale pas ses larmes et ne camoufle pas ses pleures. D'aucun se moquent, d'autres restent indifférents. S'ils savaient tous que la dernière fois que cette scène d'amour est arrivé, Jospin n'avait que trois mois de vie.

Ils se disent des mots que j'entends depuis mon oreillette.

Daronne : je t'avais dit que je te prendrai dans mes bras même si ça devait être ma dernière action sur terre.

Jospin : tu vas vivre maman, tu dois vivre. Maintenant plus que jamais, tu dois vivre.

Tout est enregistré par les médias. Jospin se recule, la Daronne prend la parole.

Daronne : je suis Delphine ABAGA, épouse légitime du ministre ABAGA.

Un chahut se crée dans la salle. Tous la savaient morte depuis des années.

Daronne : je suis en vie comme vous pouvez le constater. Je respire, je marche. J'ai passé quarante années de ma vie dans le pénitencier perdu des mers. J'y ait purgé une peine pour un crime monté de toute pièce par mon mari contre moi. Un crime contre l'humanité qu'il a commis. Il s'agit du coup d'état de 1980.

Le ministre veut parler mais est tout suite encerclé, les armes braquées sur lui. Je m'éloigne et prend de la hauteur sur les escaliers pour surveiller les moindres mouvements.

Daronne : pendant quarante années, j'ai cherché mille et un moyen pour qu'il paye sa dette envers le peuple, envers moi et surtout envers le fils qu'il a abandonné dans mon ventre. Aujourd'hui je suis venu réclamer justice.

Le ministre : mais qui est cette vieille folle ? Vous ne voyez pas qu'elle délire ? Elle délire.

Daronne : oh que non, mon petit cœur. Je suis très lucide, mes paroles sont très bien réfléchis. Que le peuple apprenne quel genre de monstre tu es. Qu'ils sachent que cette fortune que tu clames sous tous les cieux est mienne. Tu n'as rien construit, rien batti. Tu as utilisé mes œuvres pour me détruire et avancer. Aujourd'hui, l'heure de la vérité a sonné. Arrêtez le !

Cet homme âgé voit son empire s'écrouler. Il ne comprend pas ce qui se passe.

Le ministre : que personne ne me touche. Je suis le ministre de cet état. On ne peut pas m'arrêter de cette manière, vous n'avez pas le droit. Je dis que je suis le ministre.

Daronne : tu veux qu'on t'arrête de quelle manière alors ? On te tire par mes cheveux ? On te traîne sur le sol ? Ministre de pacotille. Ça fait près d'une année qu'une enquête profonde a été ouverte sur toi. J'ai eu l'agent idéal pour te traquer et te faire fléchir. Ton amour pour la chaire fraîche t'a mis à terre. Je vais m'assurer que tu vives très longtemps.

La foule hurle sur le ministre qui n'arrive plus à se soutenir. Il est faible, à croire que la santé n'est pas son meilleur allié. Il s'arrête la poitrine mais cette fois c'est un jeu qui ne prend pas. Son titre de ministre est mis à terre, plus aucun respect pour l'homme de la fête.

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