Récit d'un soir I.

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Lui et Moi, pas Nous

Le jour de notre rencontre est assez flou dans ma mémoire. Peut être milieu d'année de lycée. Ça ne fait pas tant de temps qu'on se côtoie. Pourtant, j'ai l'impression de le connaître depuis toujours.

Ce n'était pas un coup de foudre amicale. On ne s'est pas détesté non plus en un regard. C'était assez simple enfaite. Une rencontre peu atypique quand on pense à ces personnalités si singulières qui nous définissent.

« Mettez-vous en duo pour ce travail. C'est à rendre pour vendredi prochain. Si vous avez des questions n'hésitez pas à m'envoyer un mail ou à venir me voir dans ma salle de classe. »

Je n'avais pas spécialement l'envie de faire collaborer mon esprit avec quelqu'un pour faire cette rédaction. Je n'avais pas mauvaise réputation au lycée. J'étais simplement connu pour aimer faire les choses seul.

Les travaux de groupe, j'en avais horreur, encore aujourd'hui. Ce sont les yeux insistants de mon professeur qui m'ont incité à regarder autour de moi, très démotivé. Il avait la fâcheuse tendance à aimé voir les élèves s'intégrer dans la classe. J'aurais pu lui en vouloir.

Je n'avais pas particulièrement fait attention à cet élève la. Il était assis dans la rangée près du mur. Sa tête reposait dans la paume de sa main et il regardait distraitement l'horloge accrochée au dessus du tableau.

Je fis tournoyer mon stylo entre mes doigts, fixant ma feuille à carreaux. Ces lignes parfaites pour nous aider à écrire plus droitement nos lettres et nos pensées. Je préférais les feuilles vierges et d'une blancheur à faire cligner des yeux.

Je fis grincer ma chaise dans un brouhaha ambiant d'élève motivé à rédiger durant les dix dernières minutes de cour afin d'en faire le moins possible à la maison. Mes pas étaient lents, comme si retarder mon destin m'exempterait des événements à venir.

Je m'assis à côté de lui, balançant un vague bonjour de politesse. Il ne détourne pas tout de suite le regard, fixant encore l'horloge. Je me joignis à son observation, tentant de trouver ce qu'il pouvait y avoir de bien intéressant pour attirer son attention de la sorte.

« Enfaite le temps n'existe même pas. »

Je le regardais, un peu perturbé par cette soudaine prise de parole.

« Avant même qu'on pense pouvoir prédire le future c'est du passé, sans même passer par le présent. Parce que le présent n'existe même pas. Et le future lointain non plus. Parce que sa valeur sera tôt ou tard remplacé par le passé pour toujours. Rien de ce concept que la science tente d'expliquer après l'avoir créé n'est possible. Tout se passe en même temps. »

Ses yeux finissent par se loger dans les miens, descendre sur mes lèvres rapidement et remonter.

« Newton supposait que le monde est munis d'une horloge maîtresse, que celui-ci écoute ce tic-tac et que-

- Il l'écoute. Il ne le suit pas forcément, le coupai-je. »

Il sourit à mes mots et se redresse.

« Pour une fois qu'on me coupe la parole. »

Je tentais de suivre un peu confus mais à la fois intéressé parce ce que ce jeune garçon avait à dire.

Écrit d'une pensée - 1969Où les histoires vivent. Découvrez maintenant