Prologue

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L'eau était noire, la lune à peine sortie n'éclairait que faiblement le pont du bateau. Le bois humide luisant au rythme du balancement des vagues. Quelques hommes jouaient aux cartes, une vieille caisse en bois retournée comme table, assis à même le sol.

Le capitaine, occupé à regarder ses cartes à la lumière vacillante de la bougie posée sur la table écoutait le vent venir battre dans les voiles. Tout était calme. Il ne manquait que la lune et les étoiles pour les guider vers le port.

Voilà plus de deux semaines qu'ils sillonnaient les mers, se déplaçant de ports en ports pour vendre leurs marchandises. Ils se rapprochaient de leur destination finale. La baie de l'Ange. Une petite crique dont seulement quelques initiés connaissaient l'accès. Le chemin pour y aller était périlleux, des bancs de sable se trouvaient sur le chemin ainsi que de nombreux rocher aux abords de la côte.

Le vent se tut, la mer se calma et les matelots relevèrent la tête. Un son lointain et doux hypnotisant l'air. L'homme le plus proche du bord se leva, les mains sur le bastingage, il scrutait l'horizon. Était-ce une baleine ? Quelques-unes étaient observables en hiver lorsqu'elles quittaient les eaux froides. Mais la saison n'était pas propice à cela pour le moment. Un jeune qui se serait perdu peut-être ?

Le son sembla comme n'avoir été qu'une illusion. Il secoua la tête, reprenant ses esprits. Ses compagnons relançant déjà le jeu. Le capitaine, à la barbe blanche et aux yeux fatigués, sortis de sa cabine, le pas lourd se dirigeant vers le gouvernail.

" Vous allez bien mon Capitaine ? " la voix du vieil homme résonna étrangement dans le silence de la nuit. Observant l'homme au chapeau noir marcher d'un pas lent vers l'arrière du bateau. Il fit un pas vers lui, réitérant sa question.

La voix se fit entendre. Plus proche, plus forte et plus douce. Tous tournèrent la tête vers tribord. Les yeux comme soudain vide de sens. Le capitaine, les mains sur le gouvernail tourna le manche d'une force qu'il ne se connaissait pas. Dirigeant le bateau vers cette étrange voix. Cette voix si douce et pure.

Plus rien ne comptait. Le port semblait surfait, leurs vies leur semblaient insipides. Tout n'était plus que désir.

À la voix vint se mélanger une seconde, et une troisième au plus ils se rapprochaient de la côte. Le son semblait comme résonner entre les parois rocheuses qui s'élevaient devant eux. Le vent sembla se réveiller, portant le bateau plus vite vers les pierres qui les menaçaient. Tous étaient occupés à regarder par-dessus bord cherchant des yeux le détenteur de la voix, de ces voix si irréelles.

Et alors que le bateau n'était plus qu'à quelques centaines de mètres des premiers rochers les voix se turent, coupées dans leur élan, finissant sur une note d'agonie. Le vent s'arrêta, le capitaine se réveilla et, comme prit de peur, il fit faire demi-tour au navire. Voulant soudain fuir cette voix si douce à ses oreilles.

Il s'en était fallu de peu. Des démons. Voilà ce qui les regardait partir, les yeux à peine sortis de l'eau et leurs chevelures noires se mélangeant à l'eau de mer.

Le bleu de l'eauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant