Chapitre 11

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J'avais roulé des heures, un peu sans savoir où aller, en tournant un peu en rond. Puis je me décidais d'aller là où j'allais toujours pour me ressourcer. Au bord de l'eau. Mais cette fois pas n'importe quelle eau. Je roulais vers l'ouest, direction l'océan.

J'arrivais enfin au bout de cinq heures, dans une petite ville plutôt touristique où on était venue il y quelques années avec Elsa, se promettant qu'on y reviendrait tellement c'était beau. On y avait passé qu'une journée, sur un coup de tête, mais c'est l'un de mes plus beaux souvenirs. Je garais ma voiture puis direction la plage. Je m'asseyais sur un petit mur et regardais les vagues au loin. On dirait mon corps en ce moment, en pleine bataille contre lui-même.

Je prenais mon téléphone dans la poche de mon jeans, et envoyait un message.

Maman,

Je vais bien ne t'inquiète pas. J'ai juste besoin de quelques jours à moi pour réfléchir. J'éteins mon téléphone, mais vraiment, ne te fais pas de soucis. Je t'écris quand j'aurai fait le point.

Je t'aime, la seule vraie femme de ma vie.

J'avais bien évidemment aussi un message d'Elsa, que j'hésitais à ouvrir. Finalement ...

Je suis tellement désolée, je ne voulais pas tout ça ... S'il te plaît dis-moi au moins quand tu arriveras chez toi. Je t'embrasse ...

Je ne répondais pas, puis éteignais mon portable une bonne fois pour toutes. Je marchais un peu le long de la plage, écoutant et regardant les mouettes tournoyer au dessus du sable, à l'affût du moindre petit morceau de miette. Un écriteau lumineux attira mon attention. Hôtel. J'y entrais, et demandais une chambre, sans même avoir fait attention au standing de l'établissement, mais espérant tout de même ne pas m'y ruiner en quelques heures.

- Pour combien de nuits ?

- Euh ... Je ne sais pas.

- Je vous en mets deux pour le moment ? Vous pouvez me les payer maintenant et en rajouter d'autres ensuite si besoin, m'expliquait poliment la réceptionniste.

- Oui, faisons ça, deux nuits pour l'instant. Par carte s'il vous plaît.

Je réglais le montant, finalement pas si élevé, puis partais chercher ma valise dans la voiture qui n'était qu'à quelques mètres.

Une fois installée dans la chambre, je me sentais tout d'un coup bien seule, bien vide, bien inutile ... J'allumais la télé pour au moins tenter de m'occuper l'esprit, mais les programmes du dimanche soir étaient loin de combler mes attentes ...



Plusieurs jours passèrent, peut être six, ou sept. Je passais mes journées sur la plage, regardant les vagues, les familles, les mouettes, les rares marchands de glace. J'en prenais une parfois, l'appétit se faisant rare.  J'étais vide. Je n'étais même plus triste ou en colère, je ne ressentais plus rien. Elsa m'avait vidée de toute émotion.

J'étais assise ce jour-là à même le sable, regardant deux mouettes se battre pour le fond de cornet que je venais de leur lancer, quand je sentis une présence à côté de moi.

- J'étais sûre de te trouver ici, du moins, c'était ma dernière idée ...

Elsa était là.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Lançais-je sans même la regarder.

- Ça fait une semaine qu'on a pas de nouvelles de toi, on commençait sérieusement à s'inquiéter.

- Qui ça, "on" ?

- Bin ... Tes parents, ta sœur ... Et moi.

- Toi ? Toi tu t'inquiètes pour moi ? Tu ne t'es pas trop inquiétée quand tu t'es faite passer la bague au doigt.

- Arrête s'il te plaît, je suis pas là pour me disputer ...

- Tu es là pour quoi alors ? Car moi j'ai très envie de me disputer, j'ai très envie de te hurler dessus, de t'insulter !

Elle me coupa dans mon élan, me mettant sa main sous le nez.

- Tu vois quelque chose ? Une bague ? Non ! Je lui ai rendu et je l'ai quitté.

- Vraiment ? Lui fis-je en ayant du mal à la croire.

- Mais oui vraiment Aby' ! De toutes manières je ne sais même pas si ça lui a fait quelque chose. Ce mec ne pense qu'à lui, et s'il a fait cette demande devant toute ma famille, c'était juste pour se faire mousser, rien d'autre.

- C'est pas comme si j'avais dit des centaines de fois que ce gars était un gros con ... Mais ça ne change rien. Tu m'as fait trop de mal, je veux plus te donner l'occasion de jouer avec moi, avec mes nerfs, avec mes sentiments. J'en ai marre de souffrir, marre que tu ne t'assumes pas, marre de tout en fait.

- Laisse moi parler ! J'ai tout dit à mes parents. Pourquoi tu étais partie comme ça, pourquoi tu étais si malheureuse ... Je leur ai dit que ça faisait des années qu'on s'aimait. Des années que je me cachais, que je me mettais en couple avec des hommes que j'aimais pas ... Ma mère a rigolé, pensant que je leur faisais une blague. Mon père lui m'a pris à part, me disant qu'il savait depuis bien longtemps que j'avais eu une histoire avec toi, que notre amour crevait les yeux ...

Elle marqua une pause.

- Je n'ai jamais joué avec toi, jamais. J'ai été maladroite oui, je me suis comportée comme une conne c'est vrai. Mais je ne t'ai jamais menti, et quand je te dis que je t'aime c'est la vérité. C'est ce qu'il y a de gravé au plus profond de moi. Et je te demande de m'excuser, de t'avoir fait tant de mal. Ça n'arrivera plus jamais, je te le jure sur ma propre tête.

Je ne savais même pas quoi dire. Je ne savais même pas si je la croyais. Je rallumais mon téléphone, machinalement en fait, sans même réfléchir, j'avais besoin de dire à ma mère que j'allais bien.

J'avais treize messages. Neuf de ma mère, trois d'Elsa, et un de Francis, que j'ouvrais en premier ...

Salut Aby'. Sache que Elsa nous a enfin tout dit. Pour ma part je le savais depuis bien longtemps, et tu seras toujours la bienvenue à la maison, sache-le, même si Caroline va forcément vouloir te faire croire le contraire ! Moi je ne veux que le bonheur de ma fille, et je sais qu'avec toi elle l'a trouvé. Soyez heureuses, c'est tout ce que je vous demande. Francis.

J'essuyais rapidement une larme qui commençait à couler sur ma joue, et envoyait rapidement un message à ma mère pour la rassurer. J'allais bien. Du moins, j'allais mieux.

On retournera voir la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant