Chapitre 2

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Je souriais en guise d'approbation, même si depuis quelques heures j'avais envie de crier au monde entier à quel point je l'aimais.

J'ouvrais alors la portière, et entendait déjà ma future belle-mère grommeler des mots à peine audibles - et ce n'était pas si mal finalement -.

- ... Ce n'est plus possible !

Je lui faisais un signe rapide de la main avant d'aller ouvrir le coffre et de prendre quelques affaires à Elsa, qui me rejoignit en trombe.

- Ça y est, elle commence déjà ! J'espère que tu es prête ...

- Dépêchez-vous un peu enfin, vous êtes déjà assez en retard !

Je laissais d'abord passer Elsa, qui fit la bise à sa mère, en lui disant qu'elle aussi, elle était contente de la revoir.

- Papa est tout affolé, son gibier va être trop cuit !

Francis, fit à son tour irruption dans la pièce, nous rassurant discrètement que non, il n'était pas inquiet, et avait justement mit à cuire sa pièce de sanglier en retard par rapport à l'heure prévue, vu comme il connaissait sa fille, mais nous dit aussi de laisser Caroline paniquer, de toutes façons, c'est sa spécialité.

- Bon, montez mettre vos affaires là-haut, mais revenez vite, nous passons à table dans moins de cinq minutes ! Elsa, en montant, préviens tes frères qu'ils descendent aussi.

J'aidais alors Elsa avec tous ses bagages énormes, et lui installais dans sa petite chambre restée intacte depuis son départ. Je riais en redécouvrant des photos de nous adolescentes, ignorant encore tout de ce qui se passerait entre nous.

- T'es toujours aussi belle, lui fis-je en posant un bisou sur sa joue.

- On avait dit discrète ... Me souffla-t'elle.

- Ouais, je fais que te faire un bisou hein, je te viole pas sur la place publique.

Je partais, vexée, une énième fois par la distance qu'elle mettait entre nous. J'ouvrais la porte de la chambre "d'amis", que je ne connaissais que trop bien. L'odeur de lavande me sautait au nez, comme toujours. Je m'asseyais sur le lit, un peu décontenancée. Elsa disait vouloir avancer, mais je ne sais pas si elle sera capable de s'assumer réellement un jour. Je m'étais perdue dans mes pensées quand on frappa à la porte de la chambre. Elsa passait sa tête puis s'engouffrait finalement dans la pièce.

- Excuse-moi, j'ai été con, me dit-elle comme une enfant qu'on viendrait de gronder.

- Un peu.

Elle se rapprochait dangereusement, puis se mit à genoux devant moi, posant son menton sur mes genoux. Ses yeux me suppliaient de la pardonner de sa maladresse.

- Toi aussi t'es toujours aussi belle. La plus belle à mes yeux.

- C'est vrai ce mensonge ?

- Je déteste quand tu te sers de cette phrase ! Embrasse-moi plutôt.

Je mettais alors mes mains sous ses bras pour la relever à ma hauteur et déposait mes lèvres sur les siennes. Elle entoura alors ses bras autour de ma nuque ce qui nous fit tomber à la renverse sur le lit. Si on nous voyait là, enlacées, juste bien, heureuses, il n'y aurait pas besoin de grand discours. On s'aime, un point c'est tout !

- Et si on allait manger, avant que ta mère fasse une syncope ?

- Ça peut être une bonne idée, même si je resterais bien là ...

- Rien ne nous empêche de revenir après.

- On verra.

On se relevait alors du lit, Elsa allant frapper à la porte de ses deux frères pour les prévenir de descendre.

Moi, j'étais toujours aussi impressionnée de voir l'immensité des pièces. Ayant vécue dans une maison plus que modeste jusqu'à mes 18 ans, cette grande baraque m'avait toujours presque fait peur. Des tableaux sur tous les murs comme au musée, des trophées de chasse, une hauteur sous plafond impressionnante ... Francis me servit une part de son gigot sans visiblement se rappeler que la viande ne faisait plus partie de mon régime alimentaire depuis quelques années. Mais je ne voulais pas le braquer, lui qui avait passé plusieurs heures en cuisine pour notre venue. J'avalais alors difficilement chaque morceau, essayant de les camoufler dans la purée de pommes de terre et patates douces qui elle était délicieuse.

- Hm, Elsa, fit Carole la bouche pleine. Tu ne sais pas ce qu'on a appris ?

- Non, quoi ?

- Le fleuriste, tu sais qui est là depuis quelques années, il est ...

- Il est ? Mort ? Reprit Elsa même si elle avait très bien compris le non-dit de sa mère.

- Mais non oh ! Tu sais bien ... Il est en couple avec un homme ...

- Tu veux dire qu'il est homosexuel ?

- Elsa, pas ce mot dans la maison s'il te plaît !

Je serrais les dents ainsi que l'emprise sur la fourchette. Je ne disais rien, mais ce n'était pas l'envie qui me manquait ! C'est étonnamment Elsa qui prit la parole.

- Et qu'est-ce que ça peut te faire à toi hein ? Ça change quoi à ta petite vie, Caroline Riphet ?

- Elsa ! Tu ne me parles pas comme ça s'il te plaît !

Le silence s'était installé à table, et plus personne n'osait ouvrir la bouche. Pas même moi avec mon look tout de même assez androgyne, à aucun moment ils n'ont pensé que je pourrais moi-même être lesbienne ?



On retournera voir la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant