UNE ODEUR D'ŒUF POURRI

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«En fermant les yeux chaque soir, je pense à toutes les victimes de cette éruption, qui les auront fermé une nuit, pour ne plus jamais les réouvrir

  Les camerounais tentaient de se remettre de la tentative de coup d'État du six avril mille neuf cent quatre vingt quatre

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Les camerounais tentaient de se remettre de la tentative de coup d'État du six avril mille neuf cent quatre vingt quatre. Le parti politique de l'Union Nationale du Cameroun avait été depuis rebaptisé, avec le nom qu'il gardera définitivement : le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais.

C'était le début de la crise économique. L'inflation se glissait discrètement dans les espaces commerciaux, les recettes publiques commençaient à se perdre. Dans toutes les rues du pays, l'effervescence était encore omniprésente, suite à la victoire du club Canon de Yaoundé au Championnat de Football du Cameroun. Le match final avait été diffusé par la CRTV, le réseau national de télévision créé un an auparavant, suite à la visite du pape Jean-Paul II.

Les chansons de Ben Decca, Bébé Manga et du célèbre groupe de Bikusti Les Têtes Brûlées emplissaient les radios de la plupart des chaumières du pays. C'était l'année mille neuf cent quatre vingt six. Et personne ne se doutait encore de la catastrophe qui se préparait, dans un petit village au cœur de la région du Nord-ouest. À l'époque, cette région du Cameroun n'était pas encore secouée par la crise sécuritaire qui se déclencherait trente ans plus tard, et qui sévit jusqu'à nos jours.

***

Maï sentait ses yeux picoter sous ses paupières. Lorsqu'elle les ouvrit, ce fut comme si des doigts enduits d'une sauce épicée s'y étaient perfidement introduits. Ou plutôt comme s'il y avait dans l'air quelque chose de chaud, de toxique. Chaque clignement était plus insupportable que le précédent. Elle ressentait l'incapacité de décoller ses lèvres. Comme si celles-ci avaient été soudées durant son sommeil.

Maï se résolut quand même à bouger, mais ses membres demeurèrent immobiles. Ne recevaient-ils pas le message envoyé depuis son cerveau ? Bouger, il fallait bouger. Son corps tout entier était paralysé. Il n'y avait que ses iris noirs, qui puissent encore faire de mouvements dans ses yeux effarés.

C'était sans parler de son nez. Son pauvre nez, qui a chaque passage de l'air la faisait souffrir. Elle sentait une vive chaleur sur sa peau. La chaleur que seules des blessures pouvaient provoquer. Ses bras d'un teint sombre et caramélisé portaient de vives et douloureuses écorchures.

Avec une certaine crainte, elle baissa le regard sur le débardeur noir enfilé dans un pagne coloré qu'elle avait ingénieusement roulé sur son corps la nuit d'avant. Le tissu imprimé était maculé de tâches humides, semblables à du miel. Son débardeur avait perdu sa blancheur. Il était rougeâtre. Son cœur se contracta violemment dans sa poitrine. C'était la panique qui commençait à l'envahir, à l'étreindre fermement.

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