Braqueur amateur

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"Et si on cambriolait une banque, Nao ?"

Tu cherchais un moyen d'exploiter ton adolescence au maximum, et pour toi, Jim Carrey a été une vrai source d'inspiration. On est assises sur le canapé alors que le générique défile, et tu me fixes, les yeux grands ouverts, tes lèvres pincées dans les creux de tes joues.

Tu attends une réponse, visiblement, et même si j'en ai une pour toi Any, je ne te la confirai pas. Tu ne comprends pas.

Tu penses que la jeunesse est un cadeau, que notre idiotie et notre insousciance sont une bénédiction, que nous sommes gâtés par la vie durant cette période. Je ne le vois pas de cette façon.

L'adolescence nous rend incapables de faire des choix responsables, nous sommes démunis de tout contrôle, notre être nous est lui-même étranger. Il nous est impossible de déterminer ce qui est bien ou mal, nous sommes soumis à notre mentalité obtuse qui nous pèse sur les épaules et nous sommes trop ineptes pour nous en rendre compte.

Je ne vais pas remercier la vie pour mon adolescence, je ne veux pas de cette perte de temps, de cette jeunesse niaise et aberrante.

Si on m'en avait laissé le choix, j'aurais utilisé ce temps pour quelque chose de productif, quelque chose qui aurait pu te sauver et si j'avais été incapable de trouver un moyen d'épargner ta chair, je t'aurais offert la mienne.

Nous sommes impuissants, et je hais l'univers de nous avoir créé ainsi. Il nous moque, lui qui est si grand, si vaste et si savant. Il nous regarde nous déteriorer, il nous observe nous entretuer, il fait de notre souffrance un spectacle ludique.

Je ne dois de "merci" à personne d'autre que toi et je ne dois de "pardon" à personne d'autre que toi.

On nait avec les mains vides et un entourage impondérable. On nous parle de chance, de destiné et d'avenir mais notre volonté propre n'a aucun pouvoir sur ces notions qui nous sont si lointaines que nous ne pouvons que les idôlatrer.

Tu es une imbécile heureuse, Any. Sourire niaisement à chaque obstacle que cet enfoiré d'univers t'envoie ne te rend pas forte, cela fait de toi une proie facile.

Les gens qui aiment sont si facilement manipulables, et tu aimes tant Any.

Arrête la compassion, l'amitié, l'amour et la sympathie, tu n'y gagnera rien. Ces émotions futiles te feront perdre ton souffle.

Aimes moi, juste moi. Je te laisserais respirer et si tes poumons rouillent, je te ferais don des miens. Sois égoïste, par pitié, sois mauvaise, sois chiante, sois insupportable. Je t'en supplie, débarrasse toi de cette fichu bonté. A quoi bon ? Elle est comme un poids enchaîné à ta cheville, elle ronge le sol à chaque pas que tu fais en grinçant. Elle te tire vers le bas, vers une profondeur qui devrait te rester inconnue.

Elle te prive de ta jeunesse, celle que tu m'envie tant. Mais si tu savais, si je pouvais te chanter ces mots, si je pouvais utiliser mes cordes vocales pour te les communiquer, si seulement. Tu saurais alors, Any, que je te donnerais jusqu'à la dernière cellule de mon organisme, jusqu'à mon dernier clin d'oeil, jusqu'à m'a dernière seconde.

Et je me déteste pour ça.

Infinité SingulièreWhere stories live. Discover now