Chapitre 3 - Un client dangereux

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Il n'y avait qu'un seul étage. L'escalier menait à un couloir en bois assez étriqué qui se prolongeait jusqu'à virer vers la droite. Des portes couleur pourpre arpentaient chaque côté du corridor, les unes en face des autres. Malgré l'aspect qui restait toujours aussi négligé et vieillot, Karl remarqua volontiers un certain effort sur la décoration. Quelques tableaux ornaient les murs poussiéreux et représentaient apparemment de lugubres paysages forestiers dont le temps avaient eu en partie raison des couleurs. Il était difficile de les admirer correctement car l'endroit était toujours plongé dans cette noirceur omniprésente, au point qu'Heisenberg se demanda si cette auberge n'était pas habitée par des vampires. Si c'était le cas, il passerait rapidement son chemin. Cette possibilité ne lui inspirait aucune crainte, mais c'était bien assez d'en supporter une au Village.

Tout comme au rez-de-chaussée, les ténèbres n'étaient diminués que par les maigres halos de quelques bougies écarlates, lesquelles étaient posés sur des supports accrochés en hauteur sur les murs. Leur disposition régulière au milieu du plafond et la lumière fantomatique qu'elles répandaient donnaient au couloir des airs de tunnel minier. Heisenberg s'avança un peu et repéra la petite silhouette qui se tenait lugubrement devant l'une des portes rouge-sombres, telle une apparition spectrale. Clairement, elle l'attendait.

- Je vous demanderais, si possible, de ne pas trop me faire attendre, dit-elle poliment, avec toutefois un soupçon d'irritation retenue dans la voix. J'ai du travail en bas. Des bières à servir, des cendriers à vider...

Tout en se disant qu'il aurait bien du mal à s'habituer à cette voix de crécelle, Heisenberg pressa le pas et enfonça la clé métallique dans la vieille serrure. La porte s'ouvrit avec un prévisible grincement et Karl découvrit sa chambre pour la nuit.

Une pièce ridiculement petite. Quatre murs encadraient un lit en piteux état couvert de draps d'un blanc passé, près d'une armoire trop étroite pour accueillir le manteau d'Heisenberg. Un lavabo crasseux surplombé d'un robinet décrépit se trouvait sur la droite, sous un petit miroir maculé de tâches blanchâtres. Karl se dit qu'il serait bien surpris que de l'eau s'écoule du robinet. Une seule fenêtre rectangulaire était affublée de petits volets qu'Elizabeth ouvrit en se mettant sur la pointe des pieds, laissant la lumière du jour se jeter dans la pièce. On pouvait désormais entrevoir la luxuriante forêt en partie cachée par d'archaïques rideaux blancs ondoyant en douceur sous l'effet du vent. L'émanation qui se dégageait de la chambre, si elle n'était pas fétide, n'était pas non plus très agréable.

Karl se retourna pour regarder Elizabeth qui lui jeta un coup d'œil navré et compréhensif, signifiant « Je sais, ce n'est pas génial mais c'est tout ce qu'on a ». Il songea qu'il aurait dû s'en douter et qu'une seule pièce d'or aurait intérêt à suffire à régler le temps qu'il passerait dans ce taudis.

- Vous savez, dit Elizabeth en soupirant et en tirant les rideaux de la fenêtre, les gens qui passent leurs nuits ici sont des habitués. La plupart sont des agriculteurs qui ont fait faillite. Ils ne sont pas bien riche et pas exigeants non plus. Tant qu'ils peuvent boire un coup et oublier leurs soucis...

- Ça me paraît censé. J'imagine, de toutes façons, qu'il n'y a pas des masses d'endroits où aller dans les environs, hein ?

- Vous touchez dans le mille. Ces montagnes ne sont pas très habitées. Il n'y a que de vieux paysans aigris et râleurs. On peut pas vraiment leur en vouloir.

Heisenberg, qui s'apprêtait à demander quand pourrait-on lui servir à manger, fut soudain intrigué. Il sentait que l'histoire de la région cachait des secrets qui pourraient peut-être aider son enquête. Indifférente, Elizabeth circulait dans la pièce pour vérifier que tout était en place, ouvrant et fermant l'armoire, essayant tant bien que mal de refaire le lit.

La quête de Karl HeisenbergOù les histoires vivent. Découvrez maintenant