Chapitre 2: Engeance (partie 1/2)

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(L'image est issue d'une I.A. Merci à Loki de m'avoir offert ces images !)

Été - Palais royal de Dégué


     Le rude soleil d'été effleurait les cimes des Confins et dardait ses derniers rayons. Surplombant la capitale déjà baignée de nuit, le palais royal, sur son piton rocheux, captait pour un moment encore la chaude lumière de l'astre. Les habitants allumaient leurs lanternes reflétant le ciel étoilé qui s'annonçait. Le roi ne se lassait jamais de ce spectacle.     Depuis la cour du levant, l'ombre du palais formait des ornements sur l'étang fleuri. Assis sur le banc, le roi se prélassait. Ce n'était pas n'importe quel banc. Datant du début de l'Ere Secondaire, il représentait divers animaux. A y regarder de plus près, ces animaux étaient meurtris par des fers sortant du banc. Ils les transperçaient telles des hallebardes dont la lame fatale s'enfonçait dans plusieurs poitrails de volatiles. Le contour morbide semblait pourtant très confortable et sculpté de manière à épouser les formes humaines qui y siégeaient.
     Certains oiseaux étaient fauchés en plein vol, d'autres embrochés les uns à la suite des autres. Leurs becs étaient soient fermés comme leur yeux, soient grand ouverts, et certains affirmaient que lors de nuits glaciales et venteuses on pouvait entendre leurs cris de douleur s'élever dans la cour du château. 


     Cette œuvre d'art était encadrée de deux gigantesques et splendides lampadaires. Ils s'élevaient à la façon d'arbres, le tronc se ramifiant en de nombreuses branches auxquelles étaient suspendues une multitude de petites lanternes. Leur sommet était un entrelacs dense qui procurait, une fois allumé, de la lumière sur une grande partie du jardin entourant l'étang.
C'est du moins ce que supposait le roi et les courtisans venant se détendre. Car ce vestige n'avait pas été allumé depuis des siècles. A défaut, les rois précédents, tout comme Myran III, avaient essayé à de multiples reprises de défaire ces structures issues de la culture des Bannis. Sans succès.
     

     Pour s'éviter une quelconque honte, les souverains finissaient tous par décréter que les lampadaires restaient pour l'ombre qu'ils procuraient durant les chaudes journées d'été.

     Malgré l'affront constant que ces arbres de métal représentaient, Myran aimait beaucoup cet endroit. Il y passait souvent au crépuscule pour les jeux de lumière qui s'offraient à lui. Un endroit calme, paisible, où ses maux de tête ne le suivaient pas encore.

     Il s'asseyait toujours au même endroit, de manière à avoir l'aile percée du faucon touchant le bas de sa nuque. Elle l'enveloppait de manière froide mais rassurante, et il se remémorait les instants avec sa première femme, lorsque l'amour était encore une chose qu'il s'autorisait à vivre. Le jeune roi de l'époque ne pouvait poser le regard ailleurs que sur les ailes de ce majestueux faucon entourant le cou délicat de la reine.

     Veuf puis remarié, c'était à son tour de reposer sa tête sur ces plumes immobiles, comme un hommage. En levant les yeux il pouvait voir de sa position le cou de l'oiseau et ses yeux révulsés. C'était une de ses visions préférées. Il s'assoupit un instant, là, seul.

     Il y serait resté des heures, si des bruits de pas ne l'avaient pas sorti de son repos.

     Le conseiller Fiume s'approcha du roi. Vêtu d'une longue toge de soie violette brodée d'or, il arpentait son couvre-chef en feutre teinté de poudre de bois de champêtre, sur lequel on distinguait l'insigne des Maîtres. Ce lacis d'argent parsemé d'éclats d'améthyste représentait le continent de Dégué. Reflétant les rares rayons de soleil en leur donnant une lueur pourpre, les pierres précieuses précédaient l'arrivée du conseiller.

     Maître Fiume avançait d'un pas démesurément lent mais contrôlé, les mains croisées dans ses manches béantes. Il arborait une longue barbe grise. Des rides se mélangeaient entre elles sur son visage marqué par des décennies de service, rappelant la canopée des lampadaires.

Les Chroniques de Dégué - Premier Corps - CuirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant