Chapitre 3: Flair (partie 2/3)

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La douve ainsi créée faisait le tour de la place, longeait le fleuve et revenait dans un cercle parfait près des élémentalistes, qui continuaient leurs mouvements secs, poings serrés. Sans leurs armures de cuir, leur énergie se vidait rapidement, et le fossé rétrécit à vue d'oeil, ce qui inquiéta Ejost. Les parois de terre se refermaient sur eux, alors que Barton ralentissait déjà dans le virage. Voyant que la pierre se rapprochait encore et comprenant que les élémentalistes ne pouvaient rien y changer, Ejost souleva à bout de bras Maokk au dessus de l'encolure de Barton. Le colosse sentit la terre se frotter sur ses mollets nus. Le froid de l'hiver avait déjà rendu sa course désagréable, mais la friction de sa peau contre le sol gelé lui soutira un hurlement de douleur.

Le rugmat soutenait Maokk de façon à lui éviter une blessure, qui le sortirait à coup sûr de sa vision.

Barton termina sa course, haletant, sur la place. Déjà le terrain retrouva sa forme initiale et les élémentalistes soufflèrent de fatigue. La foule se précipita vers Ejost qui tenait encore Maokk à bout de bras.

— Ejost, tes jambes ! s'exclama une guérisseuse inquiète.

Ignorant sa douleur et les sollicitudes de ses pairs, le colosse répondit:

— On verra plus tard pour mes jambes, faut vite emmener le p'tit à Divoyanna, il a eu une vision d'elle.

Maokk fut accompagné vers le sol en douceur. Deux Dotés le portèrent jusqu'à la porte de la Grande Hutte, d'où sortait l'aigle messager suivi d'une vieille femme, dont les vêtements, amples et fins, caressaient de leur traîne beige le sol poussiéreux.

— Torg m'a fait comprendre que c'était urgent, déclara-t-elle en désignant l'aigle à ses côtés, mais le Loup est en plein changement, il ne peut pas encore te recevoir. Peux-tu patienter quelques instants jeune apprenti ?

— C'est pas pour le Loup, dit Ejost en réprimant un cri de douleur, c'est pour l'héritière. Elle doit voir sa vision avant qu'il l'oublie, Valy. C'est urgent !

Valy fronça les sourcils et retourna à l'intérieur laissant l'apprenti sur le seuil et le colosse en lambeau. Quelques instants plus tard, Divoyanna se tenait droite et fière dans l'embrasure de la Grande Hutte.

— Tu as vu quelque chose sur moi, Maokk? demanda-t-elle d'un ton sec.

Si c'était pour la déranger en pleine nuit, mieux valait pour le jeune apprenti que sa vision soit réellement en lien avec elle.

Maokk réussit à hocher la tête. Ce mouvement lui demanda plus d'énergie qu'il ne pensait, à moins que ce ne soit la vision qui continuait de le torturer de l'intérieur. Il vomit aux pieds de l'héritière qui grimaça. Elle se saisit de lui par le col de sa chemise et l'entraîna à l'intérieur.

Ejost voyait enfin Maokk avec Divoyanna et souffla un instant. Il reprit conscience brusquement de ses blessures dues aux frottements des parois. Le colosse tomba de sa monture, plus qu'il ne descendit au sol. Des lambeaux de peau pendaient sur ses jambes, ses genoux étaient fracturés et un muscle pendait là où il ne devait pas pendre.

La guérisseuse se pencha sur Ejost et fit un travail remarquable. Ayant profité de l'agitation, Vanea était retournée chercher ses brassards en cuir. Ils illuminèrent l'attroupement autour du colosse. Ejost retint difficilement un cri lorsque ses chairs se réunissaient au sein de son mollet, que sa peau repoussait sur ses cuisses et que ses os se ressoudèrent. La douleur de la guérison était toujours plus difficile à supporter que la blessure en elle-même. Les brassards s'éteignirent.

— Relève toi Ejost, dit Vanea. Nous allons attendre Maokk. Après sa vision non contrôlée, il va avoir besoin d'une bonne régénération.

La foule se dispersa petit à petit, laissant Vanea soutenant tant bien que mal le colosse, et Barton, qui s'était assis non loin. Torg demanda d'un coup d'oeil s'il pouvait retourner à la tour de garde. Vanea lui sourit:

Les Chroniques de Dégué - Premier Corps - CuirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant