Chapitre 3: Flair (partie 3/3)

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Valy se pencha sur Allan qui étaient parvenu à redevenir tout à fait humain, malgré ses traits tirés et fatigués.


— Je préfère de loin ta forme humaine.


Elle l'embrassa sur son front ridé.

— J'aurais toujours les guérisseurs pour m'aider, répliqua le Loup dans un râle crépitant qui finit en quinte de toux. Je me sens déjà en pleine forme.


Valy lui sourit.

— Tu devrais peut-être choisir une forme définitive, qu'en penses-tu ?


Sans attendre la réponse de son oncle, Divoyanna éclaira la pièce de son collier. Les runes qui parcouraient le cuir blanc du pendentif se mirent à luire intensément. Elle pénétra dans la bibliothèque de son oncle, la porte étant toujours ouverte pour elle. Elle s'installa à une table déposée ici pour elle, prit de quoi écrire et inscrivit sur un parchemin toute sa colère. Le rouleau de papier s'intégrait aux étagères remplies du vieillard.


"L'idéal serait surtout que tu arrêtes de te transformer. Tu n'arrives plus à capter l'Energie aussi bien qu'avant, tu utilises tes dernières ressources. Il ne restera rien de toi pour nous. Ton héritage sera réduit uniquement en cendres et même le plus doué des élémentalistes de feu n'arrivera à sortir qu'une infime particule d'Energie. Et tout ça pour quoi? En plus, tu n'as jamais utilisé mon plein potentiel. J'ai un pouvoir qui peut changer la face du monde. Je suis la seule à pouvoir sauver les nôtres. Si j'utilisais l'Energie je serais capable de régler tous nos problèmes. Maîtriser les draineurs, exiler les rois humains vers Néphros. Et qui sait, avec assez de sacrifices nous pourrions retourner à l'Etage Supérieur comme nos ancêtres. Mais toi tu restes dans ton coin, dans ta Cité Fugitive, toujours caché, apeuré. Toujours à te terrer en attendant l'arrivée des armées humaines. Tu nous as toujours dit d'être fière de ce que nous sommes et de notre héritage culturel, mais tu n'appliques aucune valeur de notre mode de vie, si ce n'est te transformer pour donner une bonne image de toi. Je devrais être à la tête de cette Cité, et le monde aurait une toute autre allure."


Alors qu'elle lui soufflait ces paroles dans son esprit, Allan fixa tristement le plafond. Une once de vérité planait sur le parchemin que sa nièce venait de déposer dans sa mémoire. Il le sentait. Il le savait, son temps était révolu. Et pourtant, il s'accrochait à sa vie, et à son image plus que sa culture ne le lui autorisait. Il n'avait pas peur de mourir. Seulement de partir sans avoir fini le travail. Et le temps était compté. Son énergie était au plus bas. Il le savait. Il avait échoué sur tous les plans.

Une larme se fraya un chemin entre les rides de sa joue et s'écrasa sur la commissure de ses lèvres sèches.


Valy souffla. Elle se retourna vers Divoyanna et la supplia d'arrêter la télépathie. Son humeur déjà maussade embaumait la Grande Hutte d'une brume plus sombre que celle qui cachait la Cité Fugitive des yeux du reste du monde. Et le fait de retourner dans un autre esprit ne faisait qu'empirer les choses.

— J'avais besoin de le lui dire et lui implanter cette vérité !

Un instant de silence.

Divoyanna perçut la tristesse de son oncle, la déception, la rancoeur d'un vieil homme qui avait tout tenté pour les siens. Qui avait échoué. Elle contenait les larmes à la bordure de ses yeux bleus.

Les poings serrés, elle pivota vers la sortie.

Une voix cassée au fond de la hutte la retint:

Les Chroniques de Dégué - Premier Corps - CuirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant