Enfance perdue

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*pdv Percy*

Camp de Jupiter

Sa fille venait de disparaitre sous ses yeux.

Le souvenir de la petite fille magnifique qui le regardait avec des yeux émerveillés, lui disant d'une voix enfantine « Papa regarde ! » en lui montrant la neige tombant flocon par flocon sur la terrasse recouvrant d'un voile blanc immaculé le paysage. La petite fille qui jouait à faire couler un bateau imaginaire prit dans une tempête au cœur de la baignoire, du hurlement scandalisé de la mère quand elle avait vu le carnage. Le souvenir si innocent, si pur du rire perlé d'une enfant parmi l'immensité de l'océan. Ce souvenir venait de voler en éclat.

Une petite fille à qui il avait voulu donner une enfance normale et heureuse à tout prix. Une enfance sans larme, sans peur, sans douleur, une enfance qu'il aurait souhaité mais qui lui avait été refusé. Elle ne devait pas voir. Cette petite fille si innocente ne devait pas voir le monstre qu'il était. Elle ne devait pas savoir combien il avait tué. Elle ne devait pas connaitre le nombre de personne il avait abandonné sur sa route. Elle ne devait pas percevoir le sang qui noircissait ses mains jusqu'aux épaules. Il ne voulait pas qu'elle sache. Il ne voulait pas voir dans son regard, la peur, la crainte, l'effroi face à l'homme qu'il était vraiment, face au monstre que se cachait à l'intérieur de ses entrailles. Il ne voulait pas qu'elle prononce ces mots, les yeux embués de larme, son monde s'écroulant. Sa mère les avait prononcés, il ne voulait pas les entendre de la bouche de ses enfants.

Alors il avait enfoui le passé très loin du présent, très loin de ses enfants. Il avait tout reconstruit brique par brique, en avançant pas après pas sans jamais regarder en arrière. Faire abstraction du passé, de la douleur, l'ignorer jusqu'à s'en convaincre soi-même qu'il n'a jamais existé. Se convaincre soi-même qu'il n'était pas bien différent de ce pêcheur à la canne tordu, de ce père emmenant son fils à l'école, de ce voisin pressé qu'il croisait tout le matin...qu'il n'était pas bien différent de tous ceux qui l'entourait. Qu'il pouvait finalement être qu'il n'était pas. Qu'il pouvait être un simple mortel parmi les milliards peuplant la terre.

Il avait voulu que ses enfants grandissent avec des parents ordinaires, avec un père comme les autres. Qu'ils n'aient pas à se soucier d'un quelconque héritage divin et de tout le reste mais seulement d'être eux-mêmes. Il avait essayé d'être présent, d'écouter, de rassurer, d'épauler dans les moments difficiles. Il avait chassé les larmes, fait disparaitre les pleurs, masqué la fatigue alors que les années défilées devant et derrière lui.

Il n'avait pas vu le temps passé. Il n'avait pas vu les années s'écoulées comme l'eau d'un ruisseau que même le plus grand des barrages n'arrête pas. Les traits de crayon sur un pan de mur du salon étaient illusoires pourtant ils étaient bien là. A chaque trait l'horloge avancée, à chaque photo les visages s'affirmés, à chaque rentrée les années passées sans qu'il s'en aperçoive vraiment. Mais l'horloge avait continué à tourner, les bambins étaient devenus enfant puis adolescents jusqu'à adulte pour Cast. A l'âge où les ailes s'ouvrent, où l'horizon lointain devient accessible, à l'âge où définitivement on n'est plus enfant. Lui, il ne l'avait pas aperçu venir cet âge charnière et il venait de se rendre qu'il arrivait bien plus vite que prévus. Et cela faisait mal !

Les mots employés étaient comme les lames de milliers de rasoirs qui lui coupait la peau tissu par tissu. Les éclairs dans les yeux comme des balles de revolvers se fichant dans sa poitrine, des balles qui étaient beaucoup plus douloureuse que toutes celles qu'il avait pu recevoir. La douleur dans le visage comme un masque de fer qui encerclait son cœur meurtrit se resserrant battement après battement. Cette douleur lui rappelait une chose, il devait bien se rendre à l'évidence, il avait échoué. 

OS Les enfants déchus !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant