Je reprends lentement conscience de mon corps. Je suis allongé sur quelque chose d'assez inconfortable. Je ressens également, au fur et à mesure, des courbatures dans tous mes muscles, surtout dans l'épaule où j'ai pris leur projectile. J'ouvre les yeux. La lumière blanche me brûle la rétine. Je finis par m'y habituer et regarde autour de moi. Les murs sont d'un gris sombre, le sol et le plafond, blanc cassé et il n'y a presque aucun meuble, juste un lit sur lequel je me suis maintenant assise et des toilettes dans un coin. On dirait une cellule, entre le laboratoire et la prison. Ce qui renforce cette impression c'est les habits blancs qu'on m'a mis. Un pantalon large, une veste ouverte et une brassière. Pas de chaussures ou de chaussettes pour protéger les pieds de la fraîcheur du sol. Un des murs est traversé d'une immense vitre donnant sur une cellule identique.
Il est là, assis dos à la fenêtre, contre le mur. Impossible de ne pas le reconnaître avec sa touffe de cheveux marrons et bouclés. Je m'avance vers lui d'un pas pressé malgré les douleurs de mes muscles qui me tiraillent légèrement. Je l'appelle mais il ne me répond pas. Une vague de panique me submerge. Que se passe-t-il ? Je l'appelle encore mais il ne bouge pas d'un pouce. Je donne des coups sur la vitre et il relève immédiatement la tête. Ouf ! Il va bien. Il se tourne vers moi et s'exclame mais je ne l’entend pas. J’essaie de le lui expliquer par des signes et il comprend rapidement. On décide alors de parler lentement pour pouvoir lire sur les lèvres. On discute ainsi. Il va bien et ça doit faire quelques heures qu'il est réveillé mais il n'en sait rien, il n'a pas de montre où d'horloge pour lui indiquer l'heure et moi non plus. De plus, il n'y a aucune fenêtre donc on n'a aucune idée du cycle du jour et de la nuit. On fera sans, tant pis. On se demande ce qu'il va se passer, ce qu'ils vont faire de nous. Peut-être ne vont-ils pas nous garder en vie très longtemps, on n'en sait absolument rien. J'ai peur. Nous avons peur, tous les deux. On essaye de se réconforter l'un l'autre.
Un bruit attire mon attention du côté de la porte. Un espèce de tiroir s'est ouvert. Je vais voir, il y a une assiette en carton avec de la purée et une fourchette en plastique ainsi qu'une bouteille d'eau. Je les prends puis retourne m'asseoir près de la vitre. Yan aussi est allé chercher son assiette et ne tarde pas à me rejoindre. On mange en continuant de discuter. Ce n'est pas mauvais. Au moins, ils ne comptent pas nous tuer tout de suite.
L'ennui ne tarde pas à s'inviter dans nos cellules, on n'a pas grand chose à se dire. Du coup, on décide de faire un peu de sport. On court sur quelques allers-retours dans la cellule puis on fait une dizaine de pompes et d'abdos. On se dit que ce serait une bonne idée de faire ça tous les jours histoire de garder la forme. La faim se fait sentir à son tour mais on ne nous donne rien de plus pour le moment. Yan aussi à l'air de s'en plaindre, disant que ce ne serait pas trop mal de pouvoir avoir au moins deux repas par jour. Enfin, "par jour", on ne peut pas trop savoir. Au bout de quelques temps, je dirais une heure ou deux, un nouveau bruit de tiroir se fait entendre. Je me précipite alors au niveau de la porte pour aller chercher ce qu'il y a dedans. Une autre assiette en carton, une autre fourchette en plastique mais accompagnée d'un couteau cette fois-ci, et une autre petite bouteille d'eau. L'assiette est, cette fois, remplie d'un poisson pané et de petits pois. Je rejoins Yan qui dévore déjà son repas comme un enfant qui aurait attendu impatiemment quatre heures pour manger son goûter. Ça a le don de me tirer un grand sourire. Je m’assois en face de lui et mange plus lentement. Il termine le sien bien avant moi et part nonchalamment poser l'assiette et les couverts ainsi qu'une des deux bouteilles d'eau qu'il a terminées dans le tiroir resté ouvert. Tandis qu'il revient s'asseoir, celui-ci se ferme automatiquement. Je termine de manger rapidement et en fait de même.
On reste quelques minutes à ne pas savoir quoi se dire. Le silence règne. C'est assez gênant. C'est en grande partie pour cela que lorsqu'on parle pour lire sur les lèvres, je parle à voix basse. Je n'aime pas ce silence et il n'a pas l'air d'apprécier non plus. Yan finit par me faire signe qu'il a une idée.
-Ça te dirait que je te fasse cours ?
Je dois avouer que ce n'est pas une mauvaise idée. Ça me permettra d'éviter de prendre du retard, si on sort un jour de cette cellule de malheur, et qu'on peut retourner en cours. Je hoche la tête. Lui est content d'avoir trouvé quelque chose d'intéressant à faire pour passer le temps qui nous est cruellement de trop.
-On va d'abord vérifier que tu as bien compris le cours de la dernière fois.
On passe donc un certain temps à parler de physique. Il m'interroge sur ce que j'ai compris ou non et ce que j'ai retenu, il me réexplique les notions difficiles et celles sur lesquelles j'ai du mal. Des fois, il fait de la buée sur la vitre pour m'écrire certaines formules. À chaque fois, ça me fait rire et, en général, il me suit et on rit tous les deux. Au moins, nous pensons à autre chose que notre misérable condition, bien que je ne puisse même pas l'entendre rire.La fatigue se fait finalement sentir et on part se coucher chacun de notre côté, non sans s'être envoyé une douzaine de clins d'œil, de bisous et de cœurs. Ça me manque d'être avec lui réellement. Je m'endors finalement d'un sommeil de plomb, sans rêve.
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Love me like there's no Tomorrow
General FictionDans un univers futuriste où la procréation se fait avec un parfait inconnu, entièrement contrôlé par les scientifiques afin de réguler la population, Jade, une jeune étudiante va expérimenter un sentiment alors disparu depuis une centaine d'années...