Chapitre 9

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Je suis réveillée par une sonnerie répétitive de téléphone qui jaillit d'un haut-parleur placé je ne sais où dans la pièce. Puis quelqu’un décroche.
-Allô ?
Il me semble que je connais cette voix.
-Salut Pierre.
Cette voix-là, je la reconnaîtrais entre mille.
-Oh ! Yan ! Ça fait du bien d'avoir de tes nouvelles. Comment tu vas ?
Cette fois-ci, je l'ai reconnu, c'est Monsieur Hartat, le professeur de mathématiques. Yan a dû demander à lui passer un coup de fil.
-Comme je peux. Je vais être absent quelques temps, il faudrait trouver un remplaçant.
-On avait commencé à y penser mais on voulait de tes nouvelles avant toute initiative. Du coup on va chercher.
-Si vous n’avez pas trouvé, alors je vais te donner le numéro d'un ami. Il a un peu la même vision que moi sur la pédagogie, les élèves ne devraient pas être trop perdus.
Ça me touche le point auquel il tient à son métier. Il n'a pas encore été très longtemps enseignant mais il a cette volonté de tout faire bien et il respecte les élèves. J'espère de tout cœur, qu'il pourra continuer d'exercer un jour. Il lui donne donc le numéro.
-Dis lui que c'est moi qui demande, il devrait accepter.
-D'accord.
Il y a un silence. Même moi, je ne fais aucun bruit.
-Bon, et bien… Si c'est réglé…
-Attends, Yan, s’exclame le professeur de mathématiques !
-Oui, répond-il, la voix brisée comme par peur de la prochaine phrase de son collègue ?
-Tu vas revenir, quand même ?

Aucune réponse. On vient de se prendre la réalité en pleine face. Est-ce qu'on va survivre à ça ? Le silence est brisé par un reniflement de Yan.
-J'y compte bien.
Il essaye de ne pas le laisser transparaître, mais on peut très bien entendre qu'il retient un sanglot.
-D'accord. Et bien, hésite-t-il, à bientôt alors.
-Oui…
Il répond d'une toute petite voix avant que Monsieur Hartat ne raccroche. Le bip reste longtemps avant qu'il ne repose le téléphone. Le haut-parleur est alors coupé. Je m'assois sur le lit, regardant en direction de la vitre, il va revenir d'une minute à l'autre, sûrement touché par ce qu'il vient de se passer.

La porte s'ouvre. Dès qu'elle s'est refermée derrière lui, il se met à pleurer. Je me lève pour venir à la vitre et donne de petits coups dessus pour qu'il m'entende. Si j'avais pu, si seulement j'avais pu, j'aurais séché ses larmes et je l'aurais pris dans mes bras. Il commence à essayer de m'expliquer ce qu'il s'est passé mais je lui fais comprendre que j'ai entendu. D'un regard, il m'interroge : "pourquoi ?" Ma seule réponse est un haussement d'épaules. Il s'approche de la vitre, toujours sanglotant, et je lui fait signe de me regarder pour qu'il lise sur mes lèvres ce que je veux lui dire.
-Ça va aller ok ? On va sortir de là, tous les deux, on pourra retourner en cours. On est encore en vie, non ? Ils vont pas nous tuer, on est humains comme eux. S'ils ont un peu de conscience, ils finiront par nous laisser partir.
"Enfin j'espère." Pensé-je pour compléter mon discours. Il termine de sécher ses larmes en hochant la tête. On s'assoit tous les deux, de chaque côté de la vitre.
-T'as raison. Désolé. On ne doit pas perdre espoir.
-T'excuses pas, c'est pas grave. Et puis, tant qu'on est tous les deux, on peut se soutenir.

Il sourit. Je souris en retour. On a l'air bêtes comme ça, à sourire pour rien, se regardant par une vitre. Je pose ma main dessus et il met la sienne de l'autre côté. Elle est un peu plus grande que la mienne. On approche nos visages de cette vitre pour se parler plus discrètement.
-Je te promets qu'on trouvera un moyen de partir d'ici, quitte à être obligés de s'enfuir.
-Je te crois. Mais, avant tout, on reste en vie, d'accord ?
-Juré.
J'ai actuellement du mal à mesurer si, oui ou non, je vais réussir à tenir cette promesse. Ce qui est sûr, c'est que je vais essayer. Il me vient alors une idée pour changer les siennes. Je donne une petite tape sur la vitre.
-On n'a pas un cours à rattraper ?
Ça le fait rire. Mission réussie !
-Oui, bonne idée.
Alors même qu'il s'apprête à commencer, la porte de ma cellule s'ouvre. Je tourne la tête dans sa direction, il suit mon regard. Une femme avec une blouse blanche me demande de la suivre. Je jette un œil à Yan qui m'interroge sur ce qu'il se passe. Je hausse les épaules comme réponse puis part à sa suite. Lui n'a pas d'autre choix que de rester là, seul.

Deux gardes étaient postés à la sortie de la pièce, les mêmes armes que lorsqu'on a été arrêtés à la main. Nous passons dans un long couloir. Beaucoup de portes, toutes identiques, sont situées de part et d’autre du couloir. Je regarde partout, espérant apercevoir une sortie de secours, ou quelque chose de ce genre, quelque part. Je ne veux pas m'enfuir maintenant, j'ai bien trop peur qu'ils ne fassent du mal à Yan si je tente quoi que ce soit, mais je repère, au cas où cela puisse servir. Malheureusement, je ne vois rien qui y ressemble. On s'arrête devant une porte comme les autres. Je ne comprends vraiment rien à ce qu'il se passe, c'est plutôt agaçant. Ils l'ouvrent et me font rentrer dans la pièce.

J'hésite un peu mais finis par rentrer tout de même, de peur des représailles. Je comprends alors : un petit banc sur lequel sont posés des habits propres et une serviette pliée ainsi qu'une cabine de douche. J'y passe quelques précieuses minutes où je peux enfin me détendre, profitant de l'eau chaude roulant sur ma peau. Je me sèche ensuite et me rhabille, puis ils me ramènent dans ma cellule. En voyant mes cheveux encore humides, Yan comprend pourquoi ils m'ont emmené et il vient voir son tour. Je n'ai d'autre chose à faire que de l'attendre. Lui, avec ses cheveux plus longs et épais, il se retrouve avec le haut du dos de sa chemise mouillé. Ça nous fait rire, un peu. On ne risque pas d'en avoir souvent l'occasion alors on en profite.

Love me like there's no Tomorrow Où les histoires vivent. Découvrez maintenant