Chapitre 1 : Remus

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Le manoir Black était une immense demeure, loin de tout, comme Remus n'en avait vu que dans les films de son père. Elle se situait dans la banlieue de la Ville, à peine reliée à la civilisation par un chemin de terre qui s'enfonçait au milieu des champs

Silencieux durant l'année scolaire, dressé au milieu d'un terrain immense, son impressionnante façade noire jetait des ombres grandioses autour d'elle, comme menaçant quiconque s'aventurait ici de s'approcher plus. Personne ne s'y montrait jamais. Que ce soit dans le jardin ou aux fenêtres, l'endroit paraissait toujours étrangement désert. À la Ville, on le disait hanté, plein de créatures fantastiques qui pointaient le bout de leurs nez à la nuit tombée

Remus tordait et retordait ses doigts, alors qu'il fixait la sonnette des yeux. Il avait laissé sa bicyclette bleue appuyée contre le portail délavé avant de s'engager dans la propriété. Il lui avait fallu marcher de longues minutes pour atteindre la porte d'entrée, étouffant sous la laine brune de son chandail, la toile épaisse de ses pantalons bon marché et le soleil pesant. Le jardin aurait pu être magnifique – et sans doute l'avait-il été – mais l'entretien manquait. Les ronces avaient percé la terre et envahi les clôtures, tuant sur leur passage la moindre plante qui aurait survécu au soleil cuisant et à l'ombre glaciale que le manoir jetait par intervalle sur l'entièreté du jardin. Des mauvaises herbes poussaient sur les bords des chemins, s'accrochant vicieusement aux pieds de ceux qui les foulaient.

Remus passa une main dans les boucles éparses qui parsemaient son front, serra sa sacoche un peu plus fort contre lui et, mettant un terme à son hésitation, pressa la sonnette.

Le bruit qui se fit entendre à travers la porte d'entrée avait quelque chose de majestueux et, pour un peu, il se serait cru dans un film à l'étrange teinte sépia. Le son résonna encore quelques secondes et pour un temps, il n'y eut que Remus, le soleil qui accrochait ses cils clairs et le juste clairon de la sonnette.

La porte s'ouvrit d'un seul coup. Une odeur de renfermé mélangée à celle des vieilles personnes s'échappa de la maison. Une femme se tenait dans l'entrebâillement. Devant son visage sans âge aussi pâle que la mort, surmonté d'une cascade de boucles tirant sur le gris, Remus aurait été prêt à croire aux fantômes dont les enfants de la Ville clamaient la présence.

-Oui ? demanda-t-elle en haussant un sourcil.

Ses traits étaient coupés au couteau, pleins d'une grâce aristocrate. Son corps mince et élancé disparaissait dans les pans d'une longue robe émeraude qui avait dû être à la mode quelques centaines d'années plus tôt. Sous le feu de ses yeux glaciaux, Remus se sentit soudain ridicule dans ses vêtements grossiers, comme un enfant pris en faute par une grande personne.

-Vous m'avez appelé ? finit-il par réussir à articuler. Vous m'avez demandé de venir.

Il avala sa salive, hocha la tête.

-Je suis venu, conclut-il en relevant des yeux qu'il avait inconsciemment baissés.

-Monsieur... commença-t-elle.

-Lupin, compléta-t-il, la gorge nouée. Remus Lupin.

Les yeux glaciaux le détaillèrent un instant et il eut l'impression qu'ils pouvaient voir à travers ses vêtements en toile brune, derrière sa peau couturée de cicatrices, chacune de ses pensées, pour les décortiquer, les mettre en morceaux et les étudier.

Le sourire qui fendit le visage de la femme n'atteignit pas ces yeux-là.

-Entre mon garçon. C'est un plaisir que de te rencontrer.

Dans sa bouche, le mot « plaisir » perdait de son sens. Elle s'effaça de l'ouverture pour lui laisser le champ libre. Remus se glissa timidement dans l'interstice, les yeux grand ouverts.

the lovers. [WOLFSTAR AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant