Chapitre 7

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La première fois que Remus Lupin entendit parler de Sirius Black fut le lendemain après-midi.

Le matin-même, il s'était éveillé dans un lit vide et froid. Il n'y avait dans sa chambre, plus aucune trace de Grant. Pas de mot sur sa table de nuit bancale, pas de vêtements laissés au cas où il déciderait de repasser, pas de serviette humide dans la salle de bain, de trace de pieds sur le tapis. Sur le meuble de l'entrée, Remus avait trouvé son double des clés. Grant s'était évanoui dans la nature et Remus avait dû se rallonger une heure au moins, complètement vide, cherchant la moindre trace d'une quelconque émotion dans son cœur, avant de se lever. Aussitôt, tous ses muscles avaient protestés, et un mélange entre une douleur chronique et des courbatures avait couru dans ses épaules, depuis ses avant-bras jusqu'à la cage thoracique qui enserrait ses poumons.

Dans le salon, Lily était déjà réveillée. Elle n'avait pas parlé, mais son regard était lourd de sens. Remus aurait voulu lui demander ce qu'elle avait vu, ce qu'elle avait entendu, mais sa gorge enrouée retenait ses mots en otage, comme elle avait retenu ses excuses la veille. Il avait enfilé les premiers habits qu'il avait trouvé et était sorti.

Dehors, il avait trouvé quelques mégots écrasés. Il avait enfourché sa bicyclette et s'était mis à rouler. Il avait cru que l'air frais entre ses boucles brunes calmerait ses pensées emmêlées mais chaque regard qu'il échangeait avec un passant lui rappelait les évènements de la veille, et la honte submergeait alors ses pensées comme une immense vague destructrice. Dans son esprit tournaient et retournaient les loques peu glorieuses de souvenirs qui lui restaient de la veille. La lutte, la façon qu'il avait eu de se débattre, de supplier.

Grant, Grant. Son esprit criait, hurlait. Il aurait voulu s'arrêter, se rouler en boule sur le sol crasseux et hurler au monde de le punir. Il se rappelait les mots qu'il n'avait pas pu prononcer et qui pourtant aurait pu arranger tant de choses. Pardon, Grant. Il revoyait les clés posées sur le meuble de l'entrée. Chaque regard aimable qu'on lui adressait lui donnait envie de s'arracher les cheveux jusqu'à ce qu'il ne reste de lui qu'une carcasse sans vie. Enfoncer ses doigts dans son crâne pour en arracher

Tout aurait été tellement plus simple s'ils l'avaient simplement détesté.

Mais en plus d'être un violeur, Remus était un putain d'hypocrite. Violeur. Le mot faisait peur, il obstruait la trachée. Violeur, il aurait voulu l'inscrire sur son front pour que tous sache quelle sorte de malsanité il amenait avec lui. De quel droit se sentait-il si mal ? Il pensa à Grant, sans doute seul chez lui, à la façon qu'il avait eu de le maintenir immobile sans le blesser.

Il tourna dans la Ville pendant des heures et des heures. Le vent asséchait des larmes qui ne voulaient pas couler. Violeur. Il aurait dû être au manoir depuis longtemps. À affronter le regard glacé de Regulus sur lui. Souffrir son intelligence aigüe, son rire moqueur. Chaque mouvement était une bataille. Y avait-il assez d'eau dans le canal pour se noyer ? Il s'arrêta dans une ruelle sombre pour vomir une bile acide.

Le soleil était haut dans le ciel quand Remus leva sa main pour sonner à la porte du manoir Black. Il ne savait vraiment pourquoi il s'y était rendu. Mais il était là, et il était prêt à livrer son histoire à l'avidité de Regulus, pourvu qu'il veuille bien l'écouter. Pourvu qu'il veuille bien le blâmer, lui dire quelle horrible personne il voyait en lui. Regulus possédait sans doute ce vocabulaire froid et culpabilisateur dont Remus avait besoin.

Mais que voulait-il vraiment ? Il voulait se sentir coupable, acculé. Il voulait qu'on l'insulte, qu'on le frappe, qu'on lui maintienne la tête devant un miroir qui refléterait uniquement sa culpabilité. Il voulait que quelque chose d'autre que le roulis de son vélo brise le silence dans lequel Grant l'avait enfermé. Les clés sur le meuble. Les vêtements disparus. Le tapis de bain sec. Rien. Rien. Pas une trace de sa présence. Rien d'autre que le goût acide dans la bouche de Remus et la douleur qui remontait dans le bas de son dos.

the lovers. [WOLFSTAR AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant