Chapitre 2

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Sa journée de cours vient à peine de se terminer, et Tala doit déjà retrouver la cohue des étudiants dans le tramway. Elle se serait bien épargné cette peine, mais à une heure aussi tardive, elle ne peut pas se permettre de rentrer à pied.

L'hiver s'est déjà installé sur la ville, avec un mois ou deux d'avance, couvrant les toits d'une fine cape blanche. Il fait déjà nuit et l'air s'est subitement rafraichi. Rentrer à pied avec ce temps signifierait attraper un rhume qu'elle préfère s'éviter.

Tala serre son écharpe autour de son cou quand un vent glacial vient lui voler un frisson. Emmitouflée dans son épais manteau sombre, elle laisse passer plusieurs rames bondées avant de se décider à monter dans un wagon. Le froid l'ayant décidée, sûrement.

Çà et là, les gens rentrent de leur journée de travail, moroses et silencieux. Les étudiants discutent gaiement, bien contents que les cours soient terminés pour aujourd'hui. Des lycéens se tiennent sagement dans un coin, presque timides aux côtés de leurs aînés. Une fin d'après-midi ordinaire.

Tandis qu'elle s'apprête à sortir le livre de son sac pour occuper son temps de trajet, elle se sent observée et finit par lever les yeux. Son regard croise celui, fixé sur elle, d'un très grand chien au pelage noir. Assis face à elle, il semble seul. Son épais pelage sombre empêche la jeune femme de distinguer la présence ou non d'un collier. Serait-il monté dans le tramway sans son maître ?

Elle ne peut s'empêcher de remarquer qu'il y a quelque chose de très humain dans ces yeux semblables à ceux d'un loup. La jeune femme en est presque troublée. Elle lui adresse un sourire timide et il penche légèrement la tête, comme s'il posait une question.

Comme il ne bouge pas, elle jette un regard par la fenêtre pour regarder les lueurs de la ville s'éclairer à mesure que l'obscurité s'installe. La lune commence à régner. Son esprit vagabonde et elle se retrouve bientôt plongée dans ses pensées, à en occulter ce qui l'entoure.

Quand le tramway s'arrête à la station la plus proche de chez-elle, elle oublie presque de descendre. Si le chien n'était pas venu la frôler pour sortir du wagon, elle serait encore absorbée par ses réflexions. Elle se glisse dehors, juste avant que les portes ne se ferment, et prend le chemin du retour.

Les écouteurs vissés dans les oreilles, elle marche d'un pas rapide cadencé par la musique qu'elle écoute un peu trop fort. Les voitures se font rares le long de son trajet, les badauds aussi. Chacun rentre chez soi. Et le froid mordant ne fait que la hâter de regagner la chaleur de son petit appartement. Ou est-ce cette désagréable sensation d'être suivie peut-être.

Gagnant les premières résidences du quartier où elle habite, elle se sent soulagée de constater que cette déplaisante impression l'a quittée. Jetant malgré tout un regard derrière elle pour n'apercevoir personne, elle s'engage sur la petite allée au milieu des immeubles.

Cheminant entre les bâtiments, Tala aperçoit à peine où elle met les pieds. Et pourtant, les lampadaires sont allumés depuis longtemps, et la lune est presque pleine ce soir-là. La fatigue sans doute.

Arrivant en vue de son immeuble, elle s'apprête à fouiller dans son sac pour y trouver ses clés, quand une lame glacée se glisse dans sa nuque. Elle se fige aussitôt, retenant son souffle. Une main rugueuse se pose sur ses lèvres pour l'empêcher de crier, arrachant ses écouteurs au passage.

Une voix grave et raillée lui intime de ne pas faire le moindre bruit. Elle se mord la lèvre, ayant la soudaine envie de montrer qu'elle n'est pas le genre de femme à se laisser gentiment faire. Le couteau sous sa gorge la convainc de rester calme.

Le jeune voleur, qui doit être à peine plus âgé qu'elle, cherche à lui dérober ses maigres économies. Il doit être bien désespéré pour s'en prendre à une étudiante presque fauchée, surtout en cette fin de mois.

Le Clan du Loup - Tome 1 : L'Esprit du LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant