Le Clan du Loup - Tome 1 : L'Esprit du Loup

Chapitre 9

Dès lors, Tala a compté les jours en l'absence du jeune homme. Inconsciemment, elle n'a pas quitté son sweat. Il est trop grand pour elle, mais il porte l'odeur du lycan et elle n'arrive pas à s'en séparer. De même que son écharpe sombre qu'elle a conservée depuis ce premier soir.

Elle a pu réfléchir plus sérieusement à ce qu'il lui a dit. Et curieusement, elle a le sentiment que tout ceci est normal. Comme si elle l'a toujours su, qu'elle s'en doute depuis le début, qu'elle est au courant depuis toujours.

De le voir sous l'apparence d'un loup, elle a réalisé que les hommes ont oublié combien le monde peut être empli de magie. Ils ont renié leurs croyances. À quel prix ? Malgré la peur qu'elle a sentie au creux de son ventre, elle l'a trouvé magnifique. Il incarne à lui seul sauvagerie et puissance. Et un petit quelque chose le rend presque princier.

On lit en son regard de feu la fierté de ce qu'il est. Ce pelage de nuit qu'il arbore est pelisse qu'il aime porter. Il est bien plus qu'un homme et bien plus qu'un loup. Cependant, il ne joue de cette force avec brutalité, au contraire. Il est conscient de sa puissance et sait parfaitement la maîtriser.

Il s'est montré si doux avec elle ce soir-là, tandis que la lune ronde et blanche régnait. Et ce alors qu'il était sous cette forme meurtrière. Elle sait qu'il a veillé sur elle quand elle a perdu connaissance. Il aurait pu disparaître dans la nuit mais il est resté à ses côtés. Quelque chose de bien plus fort que l'appel sauvage l'a poussé à attendre qu'elle revienne à elle. Elle ignore seulement de ce dont il s'agit. Lui expliquera-t-il à son retour ?

Durant ces trois jours d'absence, elle a beaucoup douté aussi, comme lorsqu'ils commençaient à se fréquenter tous deux. Elle repense alors à Kaliska. Cette dernière veut savoir comment se passe sa relation avec "l'étrange Akira", comme elle l'appelle.

Cette désignation la fait toujours sourire. À vraiment y réfléchir, c'est vrai qu'il a quelque chose de mystérieux dans le regard, dans l'allure aussi, et elle sait désormais à quoi c'est dû.

Elle n'a pas voulu en dire trop à son amie. Elle n'a pas voulu se faire de film, ni trop espérer. Elle a déjà souffert par le passé et construire de nouveau une histoire avec quelqu'un lui semblait difficile. Une question de confiance sans doute, d'appréhension aussi sûrement. Pourtant, Kaliska l'a rassuré :

— Il y a si longtemps que je n'avais plus vu cette petite lumière dans tes yeux, lui a-t-elle confié un jour qu'elles discutaient entre deux cours.

Malgré ses ressentis, elle a gardé ses distances, ne souhaitant se rapprocher trop vite du jeune homme. Pour se protéger sans doute. Elle n'a pas pu l'avouer à sa camarade, mais elle en a eu parfaitement conscience.

— Je l'aime beaucoup, lui a-t-elle dit parfois quand elles en parlaient. Je me sens bien avec lui. Mais, je... Je ne veux surtout pas me faire des idées. Comment pourrait-il ?...

Alors, elle se plonge dans ses pensées. Se demandant comment un homme tel que lui peut être attiré par une étudiante comme elle. Le saura-t-elle vraiment un jour ?

Il s'agit de quelque chose dont elle n'a pas la mesure, elle n'en doute pas. Mais elle souhaite comprendre. Juste savoir ce qui a poussé Akira à faire sa rencontre. Lui expliquera-t-il à son retour ce qui le lie ainsi à elle ? Elle l'espère.

Malgré toutes ces questions, il a toujours été là lorsqu'ils se sont donné rendez-vous. Il n'a jamais manqué une occasion de la retrouver. Il a toujours ce regard qu'il n'adresse qu'à elle, cette douceur dans la voix qui la rassure. Alors pourquoi douter de lui ainsi ? Qu'il lui révèle son secret prouve qu'il lui fait confiance et bien plus encore.

En retour, elle doit lui accorder cette foi qu'il a placée en elle. Il lui a fait la promesse de revenir une fois les phases de la pleine lune terminée. Il ne saurait faillir à sa parole, elle le sait. Avec l'espoir qu'il la retrouve sitôt l'influence de l'astre blanc envolée, elle scrute le ciel de minuit lovée dans l'épais sweat sombre.

Accoudée à la rambarde de son balcon, elle écoute les sons de la nuit. Un hibou chante au loin, un chien aboie dans le quartier. C'est si tranquille. L'air frais du soir lui vole un agréable frisson. Elle l'imagine chassant dans les bois alentours, sous cette forme majestueuse qu'il lui a dévoilée avant de partir.

Elle a attendu que la lune perde sa rondeur mais la fatigue de sa longue journée la rattrapait et elle n'a pas su rester éveillée. Elle s'est endormie sous le regard bleu et bienveillant du jeune chat au poil noir. Le vent froid s'engouffre dans les rideaux et un chant s'élève au loin tandis que la nuit s'achève.

***

Il gagne le petit balcon, comme une ombre. La baie vitrée est restée ouverte, à son intention sans doute. Le jour ne pointe pas encore et son manteau sombre lui tient chaud. Il entre, le léger miaulement du chat ne le surprenant pas. Le petit animal se faufile entre ses pattes, ronronnant pour l'accueillir.

D'un grondement à peine audible, il lui intime de ne pas faire de bruit. Il ne veut pas la réveiller. Il perçoit son sommeil, sa respiration sereine lui parvenant comme s'il était à ses côtés. Il saisit le petit félin dans ses larges pattes sans lui faire mal et Réglisse se frotte affectueusement contre lui.

Il ne peut résister au besoin d'aller la retrouver. Elle s'est endormie sur le lit, muchée dans son sweat sombre. Le chat saute dans les draps et s'y couche en l'observant. Le grand loup glisse son museau dans les cheveux de l'étudiante, respirant son parfum jusqu'à s'en imprégner. Sentant qu'il ne tardera pas à retrouver apparence d'homme, il se glisse sous la couette et la prend contre lui.

La serrant doucement dans sa chaleur, il serre les crocs quand son corps commence à le trahir. Les tremblements le prennent et les tiges de feu dans son corps lui arrachent un frisson. Mais il se maîtrise pour ne pas la tirer de son sommeil. Il enfouit alors son nez dans les mèches brunes de la jeune femme et se clame soudain.

Le Loup a laissé sa place à l'homme tandis que la lune blanche disparait devant les premiers rayons de soleil. Le changement, pourtant douloureux, s'est fait sans souffrance. Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas eu à subir la brûlure de la transformation. Si seulement Amarock avait été là pour lui confirmer ce qu'il pense, ce qu'il sent être une évidence...

***