Prologue

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La mer était sombre et agressive, en cette journée pluvieuse. Les vagues venaient du large pour mourir violement sur la côte, s'abattant contre les falaises, près de la plage. Elles s'échouaient sur les rochers noirs, se fracassant contre eux avant de se retirer, laissant derrière elles une traînée d'écume blanche mousseuse et saline.

Vêtue d'un imperméable noir, je me tenais droite, face à cet océan enragé, sur la plage de galets qui longeait sur près d'un kilomètre l'étendue d'eau salée, et encadrée de bords en bords par d'apiques falaises rocheuses. Entre mes doigts, je serrais avec une force insoupsonnée un galet arrondit et bien aplatit. Je scruptais la mer d'un noir d'encre, surplombée par un ciel nuageux et menaçant. Le vent marin se levait en bourasques, agitant mes cheveux derrière ma tête comme un drapeau noir sur le mat d'un bateau pirate.

La pierre dans ma main était froide, mouillée. Je baissai la tête pour l'observer. Ce n'était qu'un simple galet, semblable aux miliers d'autres qui bordaient cette plage désertique. Je serrai mes doigts davantage autour de la pierre, puis, rassemblant toutes mes forces disponibles dans mon bras droit, je catapultai le galet vers la mer. Je l'observai s'envoler, s'éloigner de moi, pour ensuite retomber quelques mètre plus loin à l'eau, dans une éclaboussure. Je restai là encore quelques minutes, à fixer l'endroit où mon galet avait été engloutit par l'océan, jusqu'à ce que j'entendes une voix, au loin.

- Elysabeth !

Je ne me retournai pas. Je ne voulais pas me retourner, car si je le faisais,je devrais alors affronter mes responsabilitées, et ça, c'en était hors de question. Dans le ciel, au dessus de moi, un goéland lança un cris perçant avent de remonter en flèche vers les falaises. Je fermai les paupières et tentai de m'imaginer pouvoir être comme cet oiseau. Si je pouvais voler, je m'enfuirais tout de suite de ce monde ennuyeux et sombre. Je volerais au dessus des océans et des continents, et je trouverais un autre endroit, meilleur qu'ici, où j'y vivrais seule, tranquillement. Mais malheureusement, j'étais dépourvue d'ailes et de libertées, et quitter cet endroit, maintenant, m'était impossible.

Un peu plus loin, derrière, j'entendis quelqu'un marcher jusqu'à moi. Ses pieds heurtaient les galets, me signalant ainsi sa présence. Je sentis une main de femme, délicate, se poser sur mon épaule. Je n'y ai pas réagis, le regard perdu dans cette mer sombre, presque effrayante.

- Elysabeth...

Je me suis retournée vers la personne qui me parlait. Ma mère avait encore sa main sur mon épaule, dans une maigre tentative de réconfort. Elle avait l'air d'avoir vieillit d'une dizaine d'années en une seule semaine. Des rides creusaient maintenant son visage, elle qui autrefois avait toujours la peau lisse malgré son âge. Ses yeux cernés étaient rougis par les innombrables larmes qu'elle avait vercées, mais ils étaient aussi fatigués, lasses de pleurer. Vêtue d'une robe noire longue, un châle de laine couleur ébène sur ses frêles épaules, l'impression de vieillissement était accentué.

- Il faut partir, mon coeur.

Je reportai mon attention vers l'océan, sans bouger.

- Je sais que c'est dûr pour toi, me dit-elle, mais il le faut.

Sa voix tremblait sous l'émotion. La mienne, je le savais, ne tremblerait pas si je parlais. Elle n'aurait aucune hésitation, aucune tristesse. Elle serait vidée de sentiments, insensible aux évennements extérieurs. Mais je ne dis rien, préférant me réduire au silence. Je jettai un dernier coup d'oeil à l'océan, pris une grande respiration, et je me suis enfin retournée, suivant maman.

Sa main se serrant sur mon épaule, elle m'emmena loin de la plage. Nous montâmes silencieusement les escalier de bois blanchis par l'air marin et le temps, qui reliaient la plage à notre terrain, puis nous longeâmes ensemble le petit sentier de galets que nous avions aménagé et qui menait à notre auberge, nous facilitant ainsi l'accès à la plage.

A Drop In The OceanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant