J'étais installée devant une tasse de thé et des petits gâteaux, dans le salon. Maman et Victoria étaient assises près de moi, tandis qu'Adam, lui, jouait tranquillement dans sa chambre. Aucune de nous n'avait touché au thé. Ma mère et ma sœur avaient le regard plongé dans le vide, les yeux encore rougis par les larmes. On aurait presque dit qu'elles étaient en transe. Moi, pour ma part, les regardais sans trop savoir comment réagir à leur silence. Ça faisait deux semaines qu'on avait célébrés les funérailles. Deux semaines qu'on avait enterré papa. Et deux semaines que plus personne ne se parlait, à la maison. Une sorte de mutisme dérangeant qui planait dans l'atmosphère. Les seuls mots échangés n'étaient que des marques de politesse, des demandes toutes simples, comme «peux-tu me passer le sel», ou «merci» et «de rien».
Le thé avait sans doute beaucoup refroidit quand maman, à ma surprise, ouvrit la bouche pour parler.
- Je vais vendre l'auberge, dit-elle dans un souffle.
- Quoi ?
C'était Victoria qui venait de parler, sortant de sa torpeur. Elle avait levé des yeux ronds vers maman. Cette dernière, parcontre, avait la tête baissée et fixait le tapis tressé du salon.
- Je ne veux plus m'occuper de cette auberge, murmura-t-elle.
Elle parlait tout bas, mais son ton était ferme, décidé. Victoria serra sa tasse de thé entre ses mains.
- Tu ne peux pas faire ça ! S'insurgea-t-elle.
Je ne disais rien, ne faisais qu'observée la scène qui se déroulait. Maman ne pouvait pas vendre l'auberge. Et même si elle le voulait, je savais qu'elle ne le ferait pas. C'était papa qui avait batit l'auberge, annexé à notre maison. C'était son idée de construire la baraque près de la mer. C'était une partie de lui, cette auberge.
- Victoria, essaie de comprendre... Dit ma mère, d'un ton presque suppliant.
- Non ! cria-t-elle. Tu ne peux pas faire un truc pareil !
Maman enfouie son visage dans les paumes de ses mains, le dos voûté. Ces dernières semaines, jamais je ne l'avais vu aussi malheureuse. Je me raclai un peu la gorge pour prendre la parole.
- Pourquoi veux-tu la vendre ? dis-je doucement.
Il fallait rester pragmatique. La critiquer n'aiderait pas notre cause. Elle redressa la tête et me regarda de ses petits yeux cernés.
- J-J'y ai beaucoup réfléchi, bredouilla-t-elle. Sans votre père, ce sera plus difficile de s'en occuper. Nous ne serons plus que trois pour l'entretenir, cet été.
Aussitôt, Victoria releva la tête, pleine d'espoir.
- Mais maman, dit-elle, on pourrait engager des gens !
Ma mère lui fit un sourire de regret.
- Oui, mais chérie, personne ne voudra travailler ici.
- Faux ! s'exclama Victoria. Mon amie Catherine se cherche un boulot pour cette été. Je suis sûre qu'elle aimerait travailler ici.
Ma mère la regarda un moment, incertaine, puis se retourna vers moi.
- Elsabeth ? Qu'est-ce que tu en penses ?
A chaque fois que ma mère était déchirée entre deux options, elle se retournait toujours vers moi, pour avoir mon opinion. Elle se fiait souvent à moi pour prendre d'importantes désicions. Plutôt ironique qu'un adulte se fie sur le jugement d'une adolescente, mais bon.
- Et bien, commençais-je... Nous aurons bientôt besoin d'argent. Avant, papa nous en fournissait assez avec son boulot de pêcheur, mais là... Pour cet été, au moins, c'est notre seule source de revennus.
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A Drop In The Ocean
FanfictionLa vie ne tient bien souvent qu'à un fil. C'est ce qu'Elysabeth réalise lorsqu'elle apprend la mort tragique et soudaine de son père. Avec sa famille, elle devra vivre ce deuil et passer au travers de ce moment obscur de sa vie. Mais alors qu'elle c...