Chapitre III

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C'était aujourd'hui qu'on accueillait les premiers clients de l'auberge, cet été. Maman s'était finalement fait à l'idée de ne pas la vendre. Elle n'était pas encore complètement convaincue, mais le principal était que pour l'instant, on la garde. Nous nous étions toutes mises au travail pour donner un dernier coup d'éclat à la baraque avant que nos clients ne débarquent. Catherine, une bonne amie à Victoria et à moi, était également venue donner un coup de main. Comme on n'était pas beaucoup pour s'occuper de l'auberge cet été, maman avait accepté d'embaucher Cath pour qu'elle nous aide un peu. Adam, lui, jouait tranquillement avec un ours en peluche. Il avait toujours été très calme, et c'était grandement apprécié. Surtout dans ces moments où on avait tout sauf le temps de s'occuper d'un enfant.

Vers midi, on avait bien nettoyé l'auberge. Les draps avaient été changés, les meubles époussetés, les vitres lavées, les planchers balayés et les douches récurées. Nous étions descendues toutes les quatre à la cuisine, dans notre maison. Assises au comptoir cuisine, nous avons mangés nos sandwichs, elles au jambon, moi aux œufs. Catherine se permis une petite moquerie à propos de mon végétarisme, et Victoria éclata de rire. Depuis qu'elle savait qu'on ne vendait pas l'auberge, ma sœur avait retrouvé une certaine joie de vivre. Elle était toujours très triste, et parfois éclatait soudainement en sanglots, comme ça. Mais pour l'instant, elle passait un bon moment, sans trop se soucier de la mort de papa. Je ne pouvais pas non plus dire que la présence de Cath n'y était pour rien.

Catherine avait toujours été une de nos meilleures amies, à moi et à Vic. Grande et mince, Elle avait de longs cheveux châtains et des yeux brun chocolat. Elle était très belle, et quelques fois, les garçons se retournaient pour pouvoir mieux l'observer. Mais elle ne portait pas attention à leur trouble ; en fait, j'étais prette à parier qu'elle ne se rendait même pas compte de leur béatitude. Elle les laissait souvent sans voix, comme ça, mais elle s'en fichait un peu. Elle ressemblait énormément à Victoria, côter caractère, mis à part son intérêt moyen pour les garçons. C'était sans doute pour ça que je m'entendais bien avec elle aussi.

Alors que Catherine entammait son quatrième sandwich (car bien qu'elle soit aussi mince qu'une brindille, elle avait un appétit de monstre), la sonnette d'entré se fit entendre. Tout le monde redressa la tête de leurs assiettes. Un léger silence s'était installé. Ça y était, ils étaient arrivés. Nos premiers clients. Maman se leva de table, et traversa la porte qui reliait la maison à l'auberge. Ma sœur, Cath et moi sommes restées là, sans bouger. Cath prit discrètement une bouchée de pain et de jambon pendant ce temps.

Quelques secondes passèrent, interminables, puis on entendit la voix de ma mère résonner au loin, avec un ton d'enthousiasme emprunté. J'entendis le claquement de la porte, puis d'autres voix, qui m'étaient inconnues. Une femme et un homme... Non. Deux hommes. Un vieux et un jeune. Et c'était partit... Les premiers clients, enfin arrivés.

Nous avons toutes les trois finis de manger rapidement, puis nous sommes parties nettoyer notre vaisselle et mettre un peu d'ordre dans la cuisine. Cette fois, j'essuyais, Victoria lavait et Catherine rangeait la vaisselle propre. Après avoir tout ranger, Victoria s'avança vers moi et murmura quelque chose à mon oreille.

- Ça fait bizarre... Tu trouves pas ?

- De quoi tu parles ? Répondis-je.

Elle posa le regard sur le sol.

- Et bien... L'été sans lui, l'auberge sans lui... Nos premiers clients sans lui.

Je lui ai souris.

- Je trouve aussi.

Elle eut un petit sourire timide, mais notre conversation fut vite interrompue par les pleurs d'Adam, qui venaient de sa chambre. Elle me fit un signe de tête.

A Drop In The OceanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant