Selon une liste proposée par Lepinum, 31 textes seront écrits (pas forcément dans l'ordre par soucis parfois de cohérence) et prendront place dans l'un ou l'autre de mes univers.
Attention, ça peut spoiler très fort.
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Entre mes mains reposent deux anneaux dont les souvenirs, flous, me rappellent pourtant un passé encore endormi. Les yeux fermés, je m'oblige à descendre dans notre espace intérieur, pour affronter celle qui garde tout, celle qui se refuse à m'exposer à ce passé qu'elle me croit incapable de soutenir. Assise sur le canapé, les jambes croisées, je ne croise que Siofra. Je ne suis que peu surprise de ne pas voir Laoire, sûrement occupé à se disputer avec Maureen, ou à faire je ne sais quoi d'autres derrière ces portes qui me sont encore interdites d'accès.
— Non.
Évidemment, je n'ai pas besoin de lui poser la question. En co-conscience avec moi depuis que j'ai retrouvé ces bagues, elle sait déjà ce que je vais lui demander. Mais j'en ai besoin. Je m'installe à côté d'elle et soupire.
— J'en ai besoin. Nous en avons besoin, tous, pour nous reconstruire.µ — Et moi, je dois vous protéger. Tous. — Mais tu ne nous protèges pas en nous refusant ces informations. Et enfin, tu m'empêches de reconstruire ma vie. — Pardon ?
Siofra ne s'énerve jamais. Elle est bien trop calme et patiente pour ça. Cependant, je sens et comprends que je l'ai vexée. J'esquisse un léger sourire. Oui, j'ai bien envie de reconstruire ma vie. DaeHyun se refuse à aller plus loin qu'une simple relation amicale, parce que cet homme est bien trop perspicace pour ce monde et qu'il sait que je ne vais pas mieux. J'aurai beau tenter de le tromper, ça ne fonctionnera pas. J'inspire profondément.
— S'il te plaît, Siofra. J'ai vraiment besoin de toi sur ce coup-là. J'ai besoin d'avancer. J'ai besoin de comprendre.
— Je ne peux pas tout te redonner, concède-t-elle après un très long moment de silence. Il y a des choses, vraiment, que nous avons oubliées. Des souvenirs, des événements qui ne reviendront peut-être jamais...
Elle se lève, passe ses mains sur sa jupe droite pour retirer une poussière et me fait signe de la suivre. Près d'une porte, elle inspire profondément.
— Le Churra nous a appris à créer cet espace. Laoire y a mis beaucoup de cœur et d'énergie, mais la touche finale, ce sera toi.
Elle pousse la porte et s'écarte. Sous mes yeux, une sorte de ville improbable se déroule : des jardins japonais sur ma gauche, des réserves naturelles sur ma droite, un cimetière en haut d'une colline... sans compter ces maisons et autres gratte-ciels aux styles incohérents les uns avec les autres. Je me tourne vers Siofra, qui hoche la tête.
— Certaines zones sont accessibles, d'autres non. Si tu veux revoir des souvenirs, c'est comme si tu appuyais sur le bouton « play » d'un holovideo. — Et si je veux voir quelque chose qui n'est pas accessible.
Elle fronce les sourcils et, l'air grave, me conseille d'embrasser ma mémoire. De ne pas avoir peur d'elle, ni de ce qu'elle pourrait me dévoiler. Puis, la porte se verrouille derrière moi, en un petit claquement discret. Je déambule, sans trop savoir où je vais. Par endroits, des échos de voix éclatent : rages inextinguibles, souffrances indicibles, volontés inébranlables... Les émotions fleurissent au gré des souvenirs qui se déverrouillent. Ils glissent sur ma peau, pénètrent mon âme. Mon cœur bat à tout rompre et mon esprit carbure si vite que ma tête va éclater. J'y vois tantôt Ethan. Tantôt Nathanaël. J'aperçois des silhouettes dans une valse chaotique et vertigineuse. Je ferme les yeux. J'embrasse ma mémoire, prête à tout recevoir. Ou presque.
