"Ne l'oublie jamais, Orvate, ce sont les souvenirs qui font l'homme. Un homme qui ignore son passé est semblable à un arbre sans racines. N'oublies jamais d'où tu viens, car cela t'indiqueras où tu pars. C'est la philosophie qui fait les uns, et le savoir les autres. Ne l'oublie jamais, cher fils."
Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis l'arrêt des visites d'Eileen. Orvate, qui s'y était déjà habitué souffrait profondément de cette absence prolongée. Que lui était-il vraiment arrivé ? Pourquoi ne venait-elle plus ? Pour avoir des réponses à cettes questions, il se décida enfin à aller à la rencontre de son frère.
L'éther azuré, d'un éclat éblouissant aveuglait Orvate, debout et contemplatif devant l'illustre bâtisse siégeant au coeur du magnifique jardin de Klavar. Leur père l'appelait "le jardin de l'élégance" car ce domaine reflétait tout le prestige et l'influence des Eldërweiss. Des cerisiers du Japon aux cèdres du Maroc, ce jardin était le tableau idéal du prestige Eldërweiss. Les arbustes, parfaitement taillés étaient disposés symétriquement par rapport à la grande allée centrale, ornée de cyprès de chaque côté servait de jointure à plusieurs autres allées qui serpentaient le domaine de part et d'autres.
Au centre, une grande fontaine opulente divisait l'allée principale en deux. Les grandes fenêtres en face de lui relétaient l'azur des cieux. Se trouver là faisait remonter en lui plusieurs souvenirs flous, d'un lointain passé.
Il était désormais prêt à faire face son frère, ce frère là qui avait tout ce qu'il désirait. Oui, tout. Il prit son courage à deux mains et s'élança, s'enfonçant ainsi dans cette énorme bâtisse, en ignorant la servante qui se tenait ainsi à l'entrée.
-Votre frère est à l'étage-... Balbutia t-elle. Une fois à l'intérieur, il se précipita vers l'étage, empruntant les escaliers de colimaçon de pierre.Enfants, Orvate et Eurysthe l'appelaient "l'ascension d'Archimède". Arrivé à l'étage, il se tenait là devant la grande porte à l'intérieur de la quelle Eurysthe l'attendait.
Il hésita un instant avant de frapper à la porte. Que lui arrivait-il ? Pourquoi ressentait-il cette peur si étrangère ? Eurysthe n'était-il pas son frère ? N'avaient-ils pas grandis ensemble ? Hélas depuis plusieurs années, cette fraternité qui les unissait tant s'était estompée, il ne restait plus que quelques morceaux de souvenirs cassés, et c'était à eux de recoller les morceaux.
Puis il se décida enfin et entra promptement dans la pièce.
-Aaah mon frère ! Tu es là ! Dit Eurysthe, convivialement en déposant la tasse de thé encore chaude qu'il avait entre les mains. Assieds-toi donc.
-Eurysthe...Nous avons à discuter. Dit Orvate.
-Oui. Je le sais bien, nous ne pouvons pas continuer ainsi. Répondit son frère en se levant. Mais avant ça parlons un peu de toi, mon frère.Et il s'enlacèrent, comme des frères devraient le faire.
Orvate pouvait sentir tout l'enthousiasme d'Eurysthe. Mais lui, sceptique n'arrivait pas à croire en l'amour d'Eurysthe, peut-être parceque lui ne ressentait plus cet amour fraternel; son frère peut-être, mais lui non.-Aller, suit-moi. Dit Eurysthe en se dirigeant vers le petit salon qui jonchait la pièce.Orvate le suivit sans rechigner. C'était une pièce plutôt petite par rapport à la salle principale. Les meubles vernis, faits de bois de chêne luisaient sous l'effet du peu de lumière qui réussissait à transpercer les rideaux, rabattus. Une fois assis, les deux se mirent à converser.
-Alors, comment était Heidelberg ? Tu as cessé de nous écrire après quelques mois. S'enquiérit Eurysthe.
-Que veux-tu que je te dise ? J'ai tout simplement gâché onzes années de ma vie. Je ne suis plus aussi jeune tu sais. Je n'ai plus vingt ans, mais trente-un. Les années passent.
-Oui, les années passent. Je suis bien d'accord avec toi. Maintenant, j'ai deux enfants, une femme, une famille et une firme commerciale à gérer. C'est bien difficile.
-Et qu'en est-il de Lemrina ? Demanda Orvate.
-Tu le sais bien pourtant ! Depuis son départ pour la France, elle s'est toujours enfait pour toi. Et dès qu'elle appris la nouvelle de la mort de notre père, elle revint ici aussi vite pour toi, mais dommage. Tu étais déjà parti pour Heidelberg.
-Et qu'est-elle devenue ? Demanda Orvate, soucieux.
-Elle s'est installée à Vienne. Ses études à Paris ont payé. Maintenant, elle a érigé une grande galerie dans la ville qui lui rapporte plutôt beaucoup. Mourir d'envie me fait, son chiffre d'affaire. Elle caracole sur Vienne, pleine de fortune.
-D'accord. Je vois. Dit timidement Orvate, dont les traits se plissèrent sous l'effet d'une profonde tristesse. Eurysthe, remarquant sa tristesse naissante décida d'aborder le réel sujet.
-Qu'y a-t-il donc, Orvate ? Demanda Eurysthe, sachant pertinemment la raison de la tristesse de son frère.
-Tu sais,... j'ai l'impression d'être passé à côté de quelque chose. Je ressens un manque dans le creux de mon coeur... Je ne comprends pas. Répondit-il.
-Peut-être ces onzes ans ?
-Quoi ? Demanda Orvate.-Oui. Tu es parti. Tu t'es en allé comme un voleur, ne laissant qu'une lettre derrière toi annonçant ton départ. Tu nous as laissé et tu es parti. Dit Eurysthe, en fixant son interlocuteur dans les yeux.
-Que veux-tu dire par là ?
-Te souviens-tu de l'époque où nous venions souvent jouer ici ? Demanda Eurysthe.
-Je ne vois pas où tu veux en venir. Répondit-Orvate.
-Nous courions souvent à travers les haies d'arbustes taillés, sous les buissons. Nous nous amusions. Et le meilleur c'était quand l'on effectuait "l'ascension d'Archimède". Te souviens-tu de nos courses effrénées à travers les jardins ? As-tu pensé à tous ces moments de joie que nous avons passés avant de t'en aller pour si longtemps ? As-tu pensé à tous ceux qui t'aimaient ?
-Eurysthe...Balbutia Orvate.-Non ! Tu n'a pensé à personne et tu t'es en allé. Tu nous as tourné le dos. Maintenant tu reviens et tu t'imagine qu'on va te jetter des fleurs au nez ?
-J'avais besoin d'espace ! De temps, de-...-De quoi avais-tu encore besoin ? N'avais-tu pas tout ce qu'il te fallait déjà ici ? Demanda Eurysthe, enragé.
-Non ! Tu ne peux pas me comprendre ni me juger ! Tu ne sais pas ce que j'ai vécu ! Répondit violemment Orvate.
-Dans ce cas, moi aussi j'ai besoin d'espace... Eloignes-toi. Eloignes-toi de moi et plus particulièrement de ma famille. Je ne veux pas te voir près d'elle.
Sur ces mots, deux larmes ruisselèrent sur la joue d'Orvate. Submergé par le chagrin, son teint prit une tournure pâle et ses yeux se décolorèrent. Il se tourna sans dire mot et s'apprêtait à partir lorsqu'il prononça ces mots :
-Soit. Maintenant, je me souviens maintenant de ce que j'ai perdu. Dit-il en s'en allant.
À ce moment, le dernier fil qui les liait encore se rompa. C'est ainsi que prennent fin les profonds liens : comme ils ont commencés.
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Coucou !!! Après une longue absence voici le chapitre 3 de Là où naissent les Lucioles !!! J'espère qu'il vous aura plu. Le prochain Chapitre sort bientôt. Merci à vous ^^YannMartin-san
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Là où naissent les Lucioles
FantasyLe taciturne Orvate Eldërweiss, héritier de la prospère et influente famille Eldërweiss est promis à un destin radieux avec sa femme et leur futur enfant. Mais lorsque s'enchaînent tragiquement le décès de son épouse puis de leur père, Orvate somb...