Chapitre 17

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Quelques minutes plus tard, Kagaya-sama et sa femme se retiraient, nous laissant seuls entre piliers. Nous nous mîmes tous à regarder Gyomei, qui était le plus sage et le plus âgé d'entre nous, afin qu'il puisse nous indiquer comment nous allions nous organiser quant à l'entraînement des pourfendeurs. Néanmoins, sentant que quelque chose clochait avec Giyu, je retournais lentement la tête vers lui afin de le sonder. Je constatais rapidement que son regard semblait à la fois plus vide et plus neutre que d'habitude, et qu'il émanait de lui un flux continu de regret et de peur, qui se mariaient dans une sombre litanie à l'absence de confiance en soi. Par réflexe, j'agrippais son haori de mes doigts en exécutant un léger mouvement vers le bas, anticipant le fait qu'il désirait se retirer. Ce dernier, les yeux légèrement écarquillés, se tourna alors vers moi, ses iris océans semblant me scruter avec incompréhension. Il décida néanmoins de rester, désirant éviter toute discussion en présence des autres piliers.

À l'issue de la réunion, il fut décidé que chaque pilier avait jusqu'au lendemain afin de réfléchir à un entraînement qu'il pourrait proposer, dans le but d'améliorer et d'accélérer la formation de nos recrues. Le travail devait également avoir pour but de renforcer nos conditions physiques et mentales à tous, afin de pouvoir potentiellement libérer cette marque lors du combat final, dont la terrible aura assombrissait chacune de nos journées désormais.

-"Himari, pourquoi tu ne m'as pas laissé m'en aller?"demanda brusquement Giyu, alors que nous avancions côte à côte en direction de nos domaines respectifs.

-"Parce que tu n'avais aucune raison de te retirer. Toi et moi sommes, pour des raisons obscures, les principales cibles de Muzan. Nous sommes donc les premiers concernés. "répondis-je en affrontant le bleu océan qui me sondait.

Je sentis une boule se former au creux de mon estomac lorsque je constatais que ses mimiques exprimaient une pointe d'agacement.

-"Non, vous pouvez vous en occuper, ça ne me concerne pas réellement."

Son ton était froid et d'autant plus neutre. Pas la moindre once de la chaleur qu'il m'exprimait habituellement ne subsistait. Je tentais malgré tout de maintenir mon regard braqué sur son visage aux traits fins mais crispés, ignorant la douleur de mon coeur qui ne cessait d'augmenter.

-"Je ne suis pas comme vous."ajouta-t-il en déviant le regard.

-"Giyu, ça suffit... tu es le pilier de l'eau, tu dois assumer tes responsabilités..."fis-je avec fermeté.

-"Non, tu te trompes. Cette place est désormais vacante."

-"Pa-pardon??"bégayais-je de surprise.

Je pouvais aisément sentir un flot de tristesse continu se dégager de lui, me permettant de connaître tout ces sentiments qu'il tentait malgré tout de cacher. Il n'arrivait tout simplement pas à oublier et se pardonner...

-"Tu le sais bien... je ne suis pas votre égal Himari... je n'ai jamais réussi cet examen..."

-"Giyu, ça suffit... arrêtes de penser que tu aurais dû mourir à la place de Sabito..."dis-je en l'attrapant par le poignet, la colère et la douleur perceptibles dans ma voix.

Je venais de prononcer ce nom tabou. Le nom de celui à qui Giyu devait certes la vie. Le nom de cet ami qu'il avait fut un temps chéri. Je venais de mettre à jour l'une des raisons pour lesquelles son coeur et sa confiance restaient jusqu'à aujourd'hui meurtris. Celui-ci releva la tête vers moi, surpris, semblant oublier que ma perception pouvait le démasquer.

-"C'est pourtant bien le cas... je n'éveillerai jamais cette marque, ça ne sert à rien d'essayer. Sabito, lui, aurait réussi. Je ne mérite pas de vivre, et je ne mérite pas l'amour d'une personne aussi forte que toi. Et je mérite encore moins ma place de pi-..."

La perle bleue du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant