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Durant ton absence, j'ai essayé de me repérer et j'ai constaté que nous n'étions pas si loin de la boutique. Nous avons pris la direction de celle-ci en marchant côte à côte. Nos bras se frôlaient, mais aucun de nous n'a osé attraper la main de l'autre. C'était sans doute encore trop tôt, mais j'ai trouvé ça dommage.

Lorsque nous sommes arrivés devant le magasin, nous nous sommes immobilisés, un peu embarrassés. Il s'agissait en fait d'une boutique de robes de mariée, j'avais oublié de te préciser ce détail. Face à ta pâleur inhabituelle, je me suis inquiétée.

— Est-ce que ça va ? On n'est vraiment pas obligés d'y aller, je me débrouillerai autrement. Ou alors, si tu préfères aller faire un tour pendant que je regarde, on peut se retrouver plus tard.

Tu m'as fixée un long moment, puis tu as secoué la tête.

— Non, c'est bon. Entrons.

En homme bien élevé, tu m'as tenu la porte et j'ai souri devant tant de galanterie. J'étais certaine que je pourrais vite m'y habituer. Une fois de plus, la vendeuse ne parlait pas français. Heureusement, tu lui as expliqué ce que je recherchais. Je n'ai pas tout compris à ce que vous vous racontiez, mais il m'a semblé qu'au début, elle croyait qu'on allait se marier et qu'on venait faire du repérage. Ce n'était pas le cas, mais j'aimais bien l'idée. Pendant que je fouinais dans le rayonnage réservé aux robes de soirée, tu t'es installé sur un canapé, près des cabines d'essayage, et tu as pianoté sur ton téléphone, sans plus me prêter attention. Je suis revenue vers toi dix minutes plus tard, les bras chargés de différents modèles. Il a fallu que je toussote pour que tu me remarques.

— Je vais aller essayer ça...

Tu as avisé le tas de vêtements et j'ai noté que tu retenais un sourire. Tu avais compris que j'allais en avoir pour un moment.

Je suis entrée dans la cabine la plus proche et j'ai commencé à me déshabiller. J'ai vérifié que les rideaux étaient bien tirés, je n'aurais pas aimé que tu m'épies à mon insu. Comment aurais-je pu savoir que tu ne m'aurais jamais manqué de respect de la sorte ?

Après avoir enfilé la première robe, j'ai hésité, car j'ignorais si tu souhaitais voir ce que ça donnait. Je n'avais pas envie de t'ennuyer avec mes histoires de tenues, mais comme tu avais insisté pour m'accompagner, je préférais te demander ton avis de manière à ne pas te vexer.

— Est-ce que tu veux que je te montre le résultat ?

— Bien sûr ! m'as-tu répondu aussitôt.

Je me suis présentée à toi dans une robe fourreau rose fuchsia qui descendait jusqu'aux pieds. Je n'étais pas emballée, et visiblement, toi non plus, vu ton manque de réaction.

— Très jolie, as-tu toutefois commenté.

Mais que tu me dises que j'étais jolie ne me suffisait pas, je désirais que tu me trouves sublime. J'ai donc poursuivi mes essayages, sans plus de succès avec les robes suivantes. À la fin, tu me donnais l'impression de saturer, tu ne levais quasiment plus les yeux de ton écran.

— Désolé, t'es-tu excusé à un moment. J'en profite pour répondre à quelques mails urgents.

Et puis j'ai enfilé une robe longue vert d'eau, avec un décolleté assez discret et de petites manches ballon, cintrée à la taille, et ornée d'une ceinture en strass. Elle était magnifique. J'ai su que j'avais trouvé la bonne. Pour tenter de visualiser le résultat final, j'ai lâché mes cheveux et les ai attachés en un chignon flou sur le haut de la tête. J'ai regretté de ne pas avoir de maquillage dans mon sac à main pour effectuer une légère retouche. Je me suis contentée de me remettre un peu de rouge à lèvres. Ce n'était pas celui qui se mariait le mieux avec la couleur du tissu, mais j'étais persuadée que tu ne t'arrêterais pas à ce genre de détail insignifiant.

Les pages de notre histoire [PUBLIÉ LE 7 AVRIL 2023]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant