Rose de Sang

Chapitre 2 - Oui

Wash, Bon Iver

Tyra

Livigno, Alpes, Italie

Les mots de mon frère n'ont eu de cesse de tourner en boucle dans mon crâne durant toute la nuit. Incapable de fermer l'œil, j'ai veillé, aux aguets du moindre bruit provenant de la porte de ma chambre, alors que je tenais fermement mon poignard contre ma poitrine. Mais personne n'a tenté de pénétrer dans la pièce de toute la nuit. Aucun son provenant du couloir ne m'est parvenu non plus, je ne peux donc pas savoir si mon père et le Parrain italien sont bien rentrés ou s'ils vadrouillent toujours dehors.

Le temps commence tout de même à se faire long. Léonard a bien insisté hier soir sur le fait que je devais rester confinée dans cette chambre. Mais la tentation de désobéir, et de découvrir la maison du Parrain se fait de plus en plus pressante.

Je baisse les yeux sur ma tenue et grimace. Faute d'avoir eu de quoi me changer, j'ai dû passer la nuit dans la robe que l'on m'a faite enfiler hier. Elle n'était pas désagréable à porter une fois allongée sur le lit, mais maintenant que je compte me faufiler dans la demeure, elle me paraît assez contraignante.

Je tire sur la jupe de la robe pour essayer de la séparer en deux morceaux qui me permettraient de plus amples mouvements, mais elle est si bien cousue que les coutures refusent de céder. Je m'arme alors de mon poignard que j'avais laissé sur le bord de la table de nuit, et j'entreprends de découper une longue fente le long de ma cuisse. La robe est foutue, mais je pourrais fuir au moins désormais si le besoin s'en fait ressentir. Non pas que l'affrontement m'effraie, mais je ne veux pas que mon père me trouve à fureter dans la maison. Je ne veux plus le décevoir.

J'appuie le plus délicatement possible sur la poignée, craignant qu'un grincement ne vienne percer le silence pesant qui s'est installé dans la maison durant la nuit. Mais rien ne vient, comme si les mécanismes étaient régulièrement remis en état. Quoique, au vu de la propreté et du rangement qui règne dans la maison, ça ne m'étonnerait même pas. Le Parrain semble être pointilleux.

Je jette un coup d'œil par l'entrebâillement de la porte. La voie semble être dégagée, alors je me faufile par l'ouverture et referme la porte en silence dans mon dos. Manquerait plus que Léonard passe par là et remarque ma porte ouverte.

Je m'avance le long du couloir que nous avons emprunté la veille alors que Agnola me guidait vers ma chambre. J'ai moins de risque de me perdre ainsi, et de malencontreusement tomber sur le maître de maison. Ou pire. Mon père.

Je me fie à mes souvenirs pour me diriger, qui semblent s'avérer exactes puisque je reconnais les endroits que je traverse. Rapidement, je me retrouve face à l'escalier en verre qui, je le sais, mène au séjour. Je tends l'oreille pour essayer de percevoir de possibles conversations, mais seul le silence répond à mon inspection. J'attrape le bas de ma robe et entreprend de descendre l'escalier. Je me tends à chaque pas supplémentaire, dans la peur d'entendre la voix de mon père s'élever. Ou celle de Léonard. Ce cafard courait le prévenir que j'ai osé braver l'interdit s'il me surprenait ici.

J'atteins cependant le séjour sans difficultés, pour mon plus grand bonheur. Face à l'immense baie vitrée par laquelle se déverse un flot de lumière dans la demeure, j'observe le paysage. Des montagnes à perte de vue, c'est cependant le vide qui s'étend sous mes pieds qui parvient à retenir mon attention. Il serait si facile de tomber... Je suppose que je me trouve du côté opposé à celui où nous sommes arrivés hier, puisque je n'ai pas vu ce vide avant. Si par le plus grand des hasards, je décidais de m'enfuir, j'aurais donc le choix entre le vide, ou bien la forêt qui s'étale tout autour du domaine. Forêt qui, soit dit en passant, doit abriter de nombreux animaux sauvages. Très peu pour moi que de me retrouver face à un loup ou un ours.