Notre maître chanteur (tome 3)

Chapitre 4: Bright, la colère.

-Salut Nath!

Mon dieu... Il est là. Vraiment là, et maintenant qu'il est devant moi, je me demande comment je vais pouvoir combattre mon besoin vital de le voir, de lui parler et surtout de le toucher. Il y a quelques secondes encore, dans un sursaut de conscience, j'ai essayé de luter en demandant à Kelly d'échanger nos places. J'ai compris que c'était peine perdue lorsque j'ai accueilli son refus avec soulagement.

À l'extérieur, je suis calme, mais à l'intérieur j'ai l'impression de bouillir. Tous mes sens sont en éveils et tournés vers lui, vers celui pour qui j'envisage plus que jamais de devenir un meurtrier. D'abord, ma vue me dit qu'il est toujours aussi beau, mais qu'il a maigri. Ses joues se sont légèrement creusées et son corps s'est affiné. Je résiste à l'envie de poser ma main sur sa cuisse pour en estimer l'ampleur. Ses cheveux ont poussé aussi. Il ne les a pas coupés depuis la dernière fois que l'on s'est vu. Habituellement, il  va chez le coiffeur au moins une fois par mois. Est-ce qu'il les laisse pousser pour un tournage?  Mon odorat me dit ensuite qu'il a changé de parfum et aussi qu'il a fumé. Il sent la cigarette et les agrumes. Je n'aime pas ça... C'est comme si son odeur essayait elle aussi de me repousser.

Comme je m'y attendais, je me prends sa colère  en pleine face. Il me jette un de ces regards noirs dont il a le secret et ses magnifiques lèvres font cette moue à la fois adorable et terrifiante. Celle qui me donne envie de lui dévorer la bouche, mais aussi celle qui me dit qu'il ne se laissera pas faire et que je suis foutu. Évidemment qu'il est en colère. Même s' il avait des doutes sur ma culpabilité au début, mon refus de le voir a dû le conforter dans l'idée que je suis coupable. Surtout que les menaces se sont sûrement arrêtées après mon départ. Comment pourrait-il penser autrement? Tant pis! Cette colère je l'accepte, d'autant plus que c'est la seule chose qui le protège pour le moment.

-Nath, j'ai demandé à Kelly d'échanger nos places mais elle a refusé. Je suis désolé. On dirait bien que Christie a tout manigancé.

Il ne répond pas, mais il continue à me jeter des petits coups d'œil assassins. Je peux sentir l'angoisse en lui et ça me fait mal. Sa respiration est rapide et son corps tremble. Est-ce qu'il a peur? Peur de moi?  Cette idée m'est insupportable...

-Nath... Je suis dédolé. Je te jure, je ne savais pas que tu serais là. Elle ne m'avait rien dit...

-Parce que tu aurais refusé si tu l'avais su?

-Oui! Non... Je ne sais pas...

De nouveau, il souffle et se tourne vers le hublot. Je ne sais pas quoi dire, ni comment agir. Et plus encore, une idée effrayante me traverse l'esprit... Est-ce que Julia peut savoir qu'on est ensemble dans cet avion?

-Nath... Je...

Le vrombissement plus fort des moteurs ainsi que la sensation de mouvement qui s'en suit me coupe dans ma lancée. C'est la première fois que je prends l'avion, du moins la première dont je suis capable de me souvenir et franchement, même si la présence de Nath me l'avait presque fait oublier, le fait de voler à plusieurs kilomètres au dessus du sol dans une boite de conserve ne m'emballe pas du tout. Je me raidis, m'accroche aux accoudoirs et prends une grande inspiration en espérant que cette sensation de tangage qui me ballotte déjà l'estomac ne durera pas trop longtemps.

-Tu as peur en avion?

Est-ce qu'il vient de me parler?

-Hein?

-T'as la trouille?

-Je ne sais pas, je n'ai jamais... Ok si... J'ai la trouille!

-Respire bien et mâche quelque chose, ça t'aidera pour tes oreilles.