Prologue

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Les mains dans les poches.

Enfin... Si seulement il avait des poches.

Ce qui n'était en soi qu'un détail, important, mais un détail. Les mains dans les poches...

L'odeur musquée de la forêt violette venait chatouiller ses narines, comme pour narguer son corps affamé de ses relents appétissants. Il soupira, le cœur gros, et se dirigea à grands enjambées vers un point invisible à l'horizon, que lui seul semblait voir.

Son corps se balançant lentement, au rythme de son parcours, il parcourait de ses doigts fiévreux son pantalon élimé. Puis son vieux gilet. Usé comme ses os, fragile comme son calme, il n'était pas difficile de remarquer qu'il était très nerveux. Peut-être un peu en colère. Peut-être un peu perdu.

Qui aurait su le décrire précisément ?

Il était de ces gens qui disparaissent dans la foule, avec notamment cette étincelle dans le regard qui rend nerveux, qui fait peur. Ceux qui restent muets, mais qui voient tout. Les yeux du monde.

Mais celui-là, était bien trop seul pour qu'il puisse bénéficier de quoi que ce soit venant d'une autre personne que lui-même. Bien trop perdu.

- Tu cherches quelque chose ? demanda une voix rêveuse à l'orée du bois.

Tournant un regard surpris, l'homme s'arrêta pour faire face à un chat, flottant dans les airs comme s'il était sur de grandes échasses. Ses grands yeux lumineux passaient parfois du jaune au bleu, comme un verre rayé exposé à la lumière, et son sourire fou semblait tournoyer tel une toupie sur sa tête ronde rayée.

- On cherche tous quelque chose, répondit l'homme en continuant son chemin.

- Bonne réponse ! ricana le chat en le suivant, nageant dans l'atmosphère. Mais je crois que ce que tu cherches est un peu rocambolesque.

- Merci de le préciser.

- Je me demande quel goût ont les cédilles, dit le chat après quelques secondes de silence, durant lesquelles l'homme continuait sa marche soutenue.

- Je ne sais pas, mais je suis affamé, grogna son compagnon en retour.

- Affamé ? Simple ! Oublie la faim.

- Je ne marche pas comme toi, le chat. J'ai un estomac sensé.

- Voilà donc ta quête !

Le chat ricana, et commença à chantonner doucement une comptine.

L'homme s'arrêta soudainement, regardant le chat avec une lueur malfaisante dans le regard. Son souffle, déjà rythmé par sa marche, s'accéléra et il leva le bras pour attraper le cou de l'énorme chat. Sa main se contracta violemment contre le poil touffu de l'animal, qui parut fort étonné, et il le rapprocha de sa tête.

- Écoute-moi avec toute ta petite tête folle. Je veux partir d'ici.

Le chat, sans se départir de son sourire déplacé, répliqua :

- Questionnaire un, double garantie sans remboursement, j'espère que c'est impossible.

- Si tu ne me le dis pas dans la seconde, je vais te faire apprendre le sens du mot "décapiter", dit impitoyablement son détenteur.

- Comment puis-je être décapité, si je n'ai pas de corps ? ricana le félin alors que doucement son corps disparaissait, laissant les mains de l'homme agripper le vide. Partir d'ici est simple, mais il faut être aussi simple que sa solution gargantuesque.

L'humain sentit son ventre crier famine, et se rappela bien vite les sentiments contradictoires qui se frayaient un chemin de son estomac à sa tête. Grondant, il lui répondit :

- Je trouverai moi-même, chat du Cheshire. Je trouverai, et je partirai d'ici. Trouver une logique.

- Tu ne dois pas la trouver... Tu dois la créer !

C'est ça, c'est ça... grommela l'homme, en s'éloignant.

Le rêveur de LogiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant