Chapitre 24: Le rêveur de Logique

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Une jeune fille était assise au bord d'une petite rivière. Jeune, les couleurs sur son visage témoignaient de son âge. Ses cheveux blonds raides tombaient devant ses épaules, sa robe allait parfaitement avec ses yeux bleus curieux. L'air songeur qui l'habitait sembler posséder toute la rondeur de son visage, elle contemplait son reflet dans l'eau avec un air patient.

Alice.

Elle chantonnait gaiement une chansonnette parlant de la pluie et du beau temps, qui ne semblait pas atteindre les oreilles de celle qui l'écoutait.

Une ombre blanche passa derrière elle. Le froissement des herbes à son passage fit tiquer la jeune fille qui se retourna. Cherchant quelques secondes dans le parterre fleuri ce qui avait interrompu son chant, elle trouva enfin:

- Un lapin ?

La forme, munie de deux grandes oreilles blanches telles que celles d'un rongeur de la sorte ne fit pas douter la jeune fille. Elle s'élança à sa poursuite, comme entrainée par la cadence infernale du lapin blanc qui courait à travers les hautes herbes, comme un aimant et son fil de fer.

Cette Alice était assurément celle qui avait rencontré le lapin blanc, il y a quelques années. Elle était petite et naïve, courant à corps perdu derrière cet animal.

La Alice qui regardait la scène avait mûri, elle était plus grande et ses traits s'étaient raffermis. Elle avait prit quelques années, son sourire rêveur avait quelque peu disparu, assurément. Celle qui s'était retrouvée par mégarde au pays des Merveilles à cause du chat contemplait celle qui s'y était retrouvée à cause du lapin blanc. L'unique et même personne.

Pourquoi était-elle là ? Pourquoi observait-elle avec attention son passé et la jeune Alice ? Personne n'aurait su le dire.

Elle regarda la jeune blonde courir jusqu'au trou de lapin avec empressement, dans un silence étrange. Elle fronça les sourcils:

- Ça ne s'était pas passé comme ça.

La jeune Alice dit quelques mots inintelligibles, puis s'engouffra dans le terrier.

- Alice.

Quelque chose ébranla Alice. Comme un tiraillement au fond de son nombril. Un tremblement qui remontait sa colonne vertébrale. Elle sentit le monde vaciller, s'écrouler. Une sensation limitrophe avec, autrefois, la chute dans le terrier du lapin.

- Vais-je retomber dans ce trou ? se demanda-t-elle, alors que la sensation s'accentuait.

- Alice. Alice, une voix profonde et glutturalement suraiguë l'appelait.

Ses genoux se dérobèrent, Alice chuta sur le sol vert et herbeux de la prairie. Pourtant, elle ne ressentit pas la douce caresse des herbes sur ses jambes, car c'était le monde entier qui tombait avec elle.

Tout défilait soudain, elle tombait à nouveau dans ce qui semblait être un trou noir remplis d'étranges couleurs.

- Alice ? Alice !

Elle se réveilla. La gorge tellement serrée qu'elle sentait un noeud se former dedans, elle ouvrit soudainement les yeux. La lumière pourtant peu vive de l'hôpital lui brula la rétine. Tandis qu'elle papillonnait et qu'elle avalait de grandes goulées d'air, une voix continuait de l'appeler:

- Alice ! Elle se réveille.

La voix, ayant enfin prit un aspect humain, était sans aucun doute celle de Morgan.

- Que... marmonna la jeune fille, encore prise dans cet étrange rêve qui semblait la troubler.

- Vous avez grandi bien vite, dit une voix féminine qui se trouvait être celle de la reine blanche.

- Mirana ! s'écria faiblement Alice en apercevant la silhouette floue et blanche de son amie.

Se rendant compte qu'elle était allongée sur un matelas, elle voulut se lever, et tira sur ses muscles, n'ayant pour seul effet que de lui couper le souffle.

- Ne bouge pas, tu es encore faible, lui ordonna timidement le docteur Caligari. Je t'ai injecté un somnifère qui devait agir pour deux heures... On devait te réveiller une heure et demie avant ce délai.

- Ne me touchez pas ! dit Alice avec un timbre coléreux, se rappelant la seringue que le médecin lui avait enfoncée dans le cou.

Retrouvant tout l'usage de ses membres, ainsi que ses yeux, elle vit le docteur en question avoir un geste de recul honteux, et se sentit presque mal d'avoir parlé si durement à ce pauvre homme.

- Vous n'êtes pas trop théière ? demanda gentiment la reine blanche en lui tendant une main.

Alice la prit et s'assit:

- Non, merci... Je dirais même que je suis humaine.

- N'allons pas trop loin. Je voulais vous présenter un... Ami à moi, qui se trouve être la personne que nous cherchons.

Mirana tendit un bras et pointa une ombre noire derrière elle avec un léger soupir.

EL.

Avec une moue dédaigneuse, il regardait la scène, adossé contre le mur. Les mains dans ses poches, il croisa le regard bleu d'Alice, qui s'exclama tout bas:

- Le rêveur de Logique ...!

Le rêveur de LogiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant