Le rêveur de Logique

Chapitre 21: Une patiente guérie bien vite

Tout se bousculait dans la tête d'Alice.

Comme un formatage, son cerveau revivait ce qu'il avait vécu ces derniers temps. Le chat du Cheshire qui venait l'abandonner dans le Pays des Merveilles, sa rencontre avec le Lièvre de Mars, la reine de Coeur, et la reine blanche.

Celle-ci ne devait pas être chez la terrifiante reine de pique ?

Et, pourquoi le Chapelier Fou, le compagnon inséparable du Lièvre se retrouvait avec Mirana ?

Pourquoi le chat réapparaissait aussi soudainement ?

La tête douloureuse d'Alice se posait tant de questions qu'elle finit par se réveiller.

Ouvrant ses yeux, elle ne vit qu'un grand mur blanc. Papillonnant des yeux, la migraine qui s'avérait brouiller sa vision se dissipa un peu, laissant à Alice le temps de reprendre ses esprits. Ses poings, serrés, lui faisaient mal. Elle ne se rappelait pas les avoir serrés lorsque le Chapelier avait prononcé la formule par mégarde...

En parlant de la formule magique, où était-elle ? Elle était certaine de ne pas avoir vu de mur blanc dans l'étrange boite de biscuit géant dans lequel elle avait rencontré Mirana, mais tout était possible, dans le Pays des Merveilles...

Tournant sa tête douloureuse, elle vit qu'elle se trouvait dans une pièce entièrement blanche et ronde, de la taille d'un petit bureau. Elle était allongée sur ce qui semblait être un matelas posé au sol, et était recouverte d'un petit drap bleu clair, comme ceux qu'elle avait pu voir dans ses colonies de vacances.

Ses bras, le long du corps, était aussi flasque que rigide, Alice se sentait extrêmement bizarre. Tout ses sens détectaient quelque chose qu'il lui était impossible de décrire. Observant silencieusement son corps, elle découvrit qu'elle était pourvue d'un simple haut et d'un pantalon blanc. Sa main, qu'elle extirpa de sous le drap, avait les ongles si bien limés qu'il lui aurait été possible de tracer des arc-de-cercles parfaits avec (s'ils n'étaient pas si courts).

C'était inhabituel. Alice aimait s'habiller de couleurs différentes, et ne portait pas grande attention à ses ongles...

Son rythme cardiaque s'accéléra lorsqu'un bruit la fit sursauter. Levant les yeux, elle fut surprise de voir apparaitre devant elle une grande robe blanche élégante.

- Mirana ? demanda-t-elle, la voix cassée de ne pas avoir parlé depuis longtemps.

- Où... Alice, c'est toi ? demanda la voix douce de la reine blanche, alors que son corps se dessinait lentement dans l'espace de la petite chambre.

- Oui. Je ne sais pas où on est. répondit Alice à sa question muette.

La reine blanche eut un petit mouvement de recul, alors que ses délicats sourcils se retroussaient pour former une moue mi-étonnée mi-désespérée:

- Nous sommes dans ta réalité, cher enfant. Le Chapelier a réussi... Mais je suis étrangère à ton monde.

Alors que la reine blanche angoissait, ses jolies mains s'agitaient dans de gracieux mouvements. Alice la rassura, s'asseyant sur le matelas blanc:

- Calmez-vous, vous me serez d'une grande aide pour retrouver celui qui s'est enfui.

Mirana et la blonde échangèrent un regard, mais furent interrompues par le bruit d'une porte qui grinçait.

- Oh ! s'exclama la reine. Quelqu'un arrive... Cachons les fourchettes.

Sortant une fourchette de sa manche en dentelles, elle la fourra rapidement dans un des plis de sa somptueuse robe blanche, faisant tinter les bracelets d'argents qui garnissaient ses bras.

- Oui, c'est ça. marmonna Alice, en levant les yeux au ciel.

Une ombre passa derrière la baie vitrée, et la porte blanche qui menait à celle-ci s'ouvrit soudainement dans un cliquetis de clés.

- Bonj... fit une voix masculine douce.

Un homme d'une quarantaine d'années, bedonnant mais le visage doux, était rentré dans la pièce. Il portait une blouse blanche, avec un badge où probablement son nom était inscrit dessus: "Morgan Caligari, médecin-soignant membre de l'ASCP". Alice se tendit brusquement, alors que le médecin regardait la reine blanche avec étonnement.

- Qui êtes-vous, mademoiselle ? demanda-t-il.

- Mirana, reine blanche, soeur de la reine rouge, cousine de la reine de pique et de la reine de trèfles, et choux-fleur à ses heures... se présenta Mirana en exécutant une petite révérence.

- C'est une amie. coupa Alice, qui se mit debout, en s'avançant vers Morgan. Dites, monsieur, que faisons-nous là ?

Visiblement, le médecin ne devait pas être très futé. Il regardait, ses yeux gros comme des soucoupes, les deux filles lui parler, sans rien dire. Au bout d'un moment, certes assez gênant, il articula:

- Vous êtes venue pour la visite, mademoiselle Mirana ? Ce n'est pas l'heure, il fallait prévenir l'accueil...

La reine blanche se tourna vers Alice, lui jetant un coup d'oeil interrogateur, qu'elle ne put lui rendre, trop absorbée à comprendre ce qui lui arrivait.

- Alice a besoin de repos.

- Je n'ai pas besoin de repos, merci bien. dit simplement Alice, en haussant un sourcil autoritaire.

Affichant une mine contrariée, le docteur se tourna fraternellement vers la blonde:

- Bien sûr. Cependant, je vais dire à votre... Parente ? D'attendre dans mon bureau.

Prenant avec un peu de vigueur le bras de la reine, il poussa la grosse porte métallique qui menait au petit espace entre la porte de sortie qui menait au couloir et la pièce dans laquelle se trouvait Alice. Celle-ci, un peu étonnée par l'étrange personnage qui venait d'entrer, était en train de se demander si elle n'était finalement pas restée dans le monde fou du Chapelier.

Après que Mirana soit passée de l'autre côté de la vitre, il se retourna en marmonnant:

- Je me demande bien comment elle a pu s'introduire ici... Alors, Alice, comment allez-vous ?

- Bien. Mais, qu'est-ce que je fais ici ?

Morgan Caligari la dévisagea avec une curiosité timide. Il tournicota ses doigts entremêlés:

- Well, vous n'étiez pas très bien portante, ces dernières semaines, vous en rappelez-vous ?

Après une petite hésitation, Alice répondit de but en blanc:

- Non.

- Pour tout vous avouez, votre père s'est beaucoup inquiété. Vous déliriez, aviez de la fièvre, et n'étiez pas avec nous.

- Sérieusement ?

- Vous ne vous en souvenez pas ? Quel est votre dernier souvenir ? demanda gentiment le médecin.

Alice réfléchit. Il était impossible d'avouer au médecin qu'elle était en fait passée de la réalité à un monde remplis de fous qu'elle devait impérativement aider. Creusant dans sa cervelle, elle en extirpa le plus ancien des souvenirs de la réalité:

- Je ne me sentais pas bien, et je suis allée dans ma chambre pour m'allonger. Et... Après, je me suis réveillée ici.

Le docteur marmonna quelques mots dans sa barbe, et dit, en souriant de ses yeux bleus paisibles:

- Je vais vérifier les scanners attribués à votre état, mademoiselle, et si tout va bien, vous pourrez sortir dans une semaine.

- Une semaine ?! dit soudainement Alice.