Chapitre 12

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 - Salut papa, dit simplement Swann en accueillant son père d'un rapide regard.

- Bonjour Swann. 

Il venait de rentrer de son travail. Epuisé aussi bien mentalement que physiquement, il espérait trouver de la paix chez lui. Enlevant son écharpe et son manteau, il les posa sur le porte-manteau et se retourna vers elle avec un léger soupir. L'air chaud de la maison qui contrastait avec le vent des rues désertes lui mordait les joues, embuant ses lunettes et asséchant ses lèvres.

- Ça va ? demanda la fille à son père, le regardant avec un peu d'inquiétude.

- Oui, très bien et toi ?

Morgan Caligari se força à sourire mais renonce après une vive douleur, les lèvres craquelées à cause du froid, tandis que sa fille répondait:

- Bien... Mais je n'ai pas eu une bonne note, au contrôle d'histoire.

- Oh ! Est-ce possible ! Toi qui veut devenir historienne, il faut être bonne là-dessus, le réprimanda gentiment son père. Qu'est-ce qui t'a fait bloquer ?

- Rien... J'était fatiguée.

- Tu t'es couchée tard ?

L'homme entra dans la salle de bain pour se laver les mains. Swann hésita avant de répondre simplement:

- Je sais pas.

Morgan soupira, puis s'assit à côté d'elle:

- Demain matin, je resterais avec toi, on révisera l'anglais. Tu n'as pas un contrôle dessus, bientôt ?

Swann hocha la tête à l'affirmative.

- Très bien. Tu viens manger ? J'ai mis mon gratin de courgette au frigo, pas de reste ! s'exclama joyeusement son père.

- J'arrive, marmonna Swann.

Elle posa sur la table le livre qu'elle tenait dans ses mains, et passa par sa chambre. Effleurant du regard le poster de sa mère, elle prit son téléphone et le mit dans sa poche. Traversant le couloir, le regard sur l'écran, elle regarda ses messages.

Pas de texto de sa mère, comme prévu.

Depuis qu'elle était petite, Charlotte était ainsi. Toujours occupée, à droite et à gauche, à faire des conférences de presse dans le monde entier, à interviewer les plus grandes sociétés mondiales, à manifester contre les partis de l'extrême qui s'élevaient dans les pays d'Europe...

Pourtant, cette année, Swann ne l'avait jamais connue aussi occupée. Son père avait beau tout faire pour combler la place manquante, il n'était que peu présent, et Swann se sentait souvent seule, désoeuvrée dans ce grand appartement vide.

Elle ne voulait pas faire de peine à son père, évidemment. Il était parfois si nostalgique, si triste, qu'elle avait peur de le toucher, de peur de n'effleurer qu'un souvenir, qui tomberait en miette immédiatement.

- Éteint ce téléphone, et met la table, Swannette. Je t'avais déjà dit, que les ondes wi-fi qui sortent de cette machine sont dangereuses pour la santé ?

- Je suis au courant, je pense... fit sarcastiquement sa fille en prenant les assiettes.

Posant le plat encore chaud sur la table, Morgan huma l'odeur du légume, en reprenant un peu de sa bonne humeur habituelle.

- Alors, ton boulot...

- Bien, bien... Docteur Sally me fait encore peur, plaisanta Caligari.

- J'aimerai bien la rencontrer un jour, pour prendre un peu ses astuces ! rit Swann, je pourrais te faire peur, comme ça !

- Oh, je ne l'espère pas pour toi: cette femme ne prend aucun plaisir dans sa vie.

Elle prit une cuillerée de gratin:

- Mais elle fait bien son travail.

- En tant que père, et en tant qu'humain, je préférerais que tu prennes du plaisir à faire quelque chose que tu bosses beaucoup pour n'en tirer aucune satisfaction.

Il lui servit de son plat, et s'assit sur une chaise de paille qui crissa légèrement sous son poids.

- Et toi, ta journée au collège, à part cette note pas fameuse ?

- Bien, bien...

- Ah, c'est bien les ados, ça, ils ne racontent rien de leur journées... dit son père avec humour.

Serrant les dents, Swann ne releva pas cette phrase, qu'elle trouva blessante: elle pouvait en dire, elle, des choses ! Qu'elle était la seule qui n'avait pas les parents "chiants" ou "dont on a honte". Ce n'était pas une chance, au moins, les autres avaient des parents, quitte à les avoir misogyne et coincés, elle préférait encore ça que d'avoir des parents absents, dans un couple dysfonctionnel.

- Très bon, ton gratin, papa.

Elle se leva:

- Je sui fatiguée, je vais aller me coucher.

- Ah ? Bonne nuit, alors.

- 'Nuit.

Elle sortit de la cuisine, évitant le regard perdu de son père, qui posait sa fourchette pleine de gratin sur le bord de son assiette. Montant les escaliers, elle sortit son téléphone, et se vautra sur son lit.

Le rêveur de LogiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant