Chapitre 3

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Chapitre 3

Rayan :


Je courais, je courais à en perdre haleine. Je ne m'arrêtais plus. Mes jambes se dérobaient sous mon buste. Je n'avais jamais couru si rapidement. Je ne me croyais pas capable de me déplacer si vite. Jamais je n'aurai pu le faire pour une autre raison. Certes, il me détestait mais il restait mon père.

Je courais toujours plus vite lorsque je vis mon père allongé près d'un arbre. Je criai. Je lui tournis sa tête et vis avec horreur ses yeux ouverts et vitreux. Lui qui était si beau, si charismatique, se retrouvait pour la première fois en position de faiblesse. Si nous étions dans d'autres circonstances, j'en aurai sûrement rit. Mais il n'y avait rien d'amusant. La mort n'était pas amusante.

Je touchais son visage froid, crispé, ce fut la première et la dernière fois que je pus poser mes mains sur sa peau. Je décidai de le ramener, en dépit du Cu Sith, vers le donjon. Celui qui lui appartenait il y a encore trente minutes. Il était à moi désormais. J'avais peur du Cu Sith. Pas mon père ou, du moins, c'est ce qu'il affirmait. J'étais presque sûr qu'il se disait immunisé car c'était le roi seulement pour fuir la réalité.

Je le trainais depuis presque dix minutes malgré ma force moindre en espérant qu'un seul mort suffise à assouvir les désirs de la bête. À chaque pas, les épines s'enfonçaient un peu plus dans mes muscles. À chaque pas, mon cœur accélérait et mon cerveau disjonctait. J'aurai pu demander à un de nos nombreux animaux de le soulever et le transporter mais je me sentais dans l'obligation de le faire par moi-même. Après tout, c'était mon père.

Enfin, après une bonne quinzaine de minutes à le trainer centimètres par centimètres dans le sable fin et sec, j'en vis le bout. Le cimetière n'était plus qu'à quelques mètres. Je regardais alors autour de moi, sans pour autant lâcher les poignets devenus rouges vifs par le frottement. Je me décidai enfin à laisser retomber le buste de mon père au sol, non sans difficulté, afin de me retourner complètement et d'admirer l'incroyable statue au centre de la place. Elle était en bronze, magnifiquement bien conservée et lustrée chaque jour par des esclaves. Je m'étais fasciné très tôt aux antiquités et c'était toujours un plaisir d'observer des œuvre anciennes et d'apparence pourtant si jeune. J'adorais ça et j'admirais ces restaurateurs de l'ombre.

Lorsque je sortis de mes rêveries, je m'aperçus avec un effroi grandissant que les mouches avaient entamé leur déjeuner. Je m'emparai de la pelle la plus proche et commençais à creuser. La sueur me coula du front après seulement une dizaine de coups de pelle. Cela m'apprenait à ne pas faire de sport régulièrement. La haine commençait à grandir en moi, je ne le supportais plus. Je fondis en larme, des larmes de rage, et tombai à genoux. Je me sentais impuissant et, comme mon père, je détestais ce sentiment. Les larmes roulaient sur mes joues refroidies. Mes mains frêles et rougies par la douleur et le froid tremblaient de manière incontrôlable.

Je hurlai, hors de moi :

- Pourquoi moi ?! Ma voix se cassa. Pourquoi mon père ?

Si même mon père, le plus digne et puissant des êtres humains, avait été vaincu de façon si rapide, comment moi, fils d'un roi, pouvais-je gouverner un royaume entier sans aide ?

Ma mère était morte à ma naissance et mon père, ayant tué tous ses autres enfants, se retrouva avec le plus pourri d'entre eux, moi. Il voulait me tuer, m'éliminer, mais n'en avait pas eut le temps. La mort l'a rattrapé lui et non moi comme il l'avait espéré.

Je criai de toutes mes forces à présent. Moi qui était resté si sobre et en retrait, je renaissais sous un nouveau jour. Mon père ne pouvait plus me battre ni m'abattre mais la mort ou la solitude s'en chargerai.

- Cu Sith ! Pourquoi ne m'as-tu pas choisi ?! Je te hais Cu Sith ! Je me vengerai ! Je terminerai le travail de mon père !

Je laissai sortir une dernière fois ma haine avant de me lever. Les yeux larmoyant et les dents serrées je partis, abandonnant mon père aux insectes et charognards.

C'était ainsi qu'à à peine treize ans, je devins roi de France.

Un roi, une tyrannieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant