Chapitre III

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Le doc est en effet très charmant. Une fois à l'intérieur du cabinet, il met tout en œuvre pour la mettre à l'aise. Il commence par la mesurer et la peser, tout en lui parlant de sa nouvelle vie à New Home. Puis, il l'ausculte de la tête aux pieds et lui prend sa tension. Ensuite, il l'accompagne jusqu'à son laboratoire où il insiste auprès de l'infirmière pour réaliser lui-même la prise de sang. Marylou ne trouve pas cela bizarre, au contraire, elle trouve que c'est une charmante attention. Elle n'a jamais apprécié d'aller chez le médecin et cela devait se lire sur son visage. Il réagit comme son père. Marcus a toujours insisté pour vacciner lui-même sa fille et lui faire des prises de sang lorsque son état de santé l'exigeait.
D'ailleurs, en remontant assez loin dans le temps, elle n'a jamais été malade. La seule fois qu'elle s'est retrouvée à l'hôpital, c'est quand elle s'est fait renverser par un chauffard. Elle a eu beaucoup de chance ce jour-là, elle s'en est sorti indemne malgré le choc, à la grande surprise du personnel des urgences. Son père était très en colère lorsqu'il est venu la chercher à l'hôpital et à insisté pour récupérer les résultats du bilan sanguin, réaliser, d'après lui, sans aucune raison.
- Voilà, c'est fini. Je ne vous ai pas fait mal ?
- Non. Je n'ai rien senti.
- Si vous êtes fatiguée, nous pouvons continuer le bilan demain.
- Autant finir aujourd'hui, si ça ne vous dérange pas.
- Aucun problème, lui répond le doc avec un grand sourire.
Il l'a conduit à la salle de cardio, où se trouve, un tapis de marche, un rameur et un vélo, tous reliés à des moniteurs sur un écran plat accroché au mur.
- Vous êtes vraiment bien équipé ! Se réjouit Marylou qui va pouvoir enfin se défouler.
- On commence par le tapis, explique le doc, tout en lui soulevant son débardeur afin de lui coller des électrodes.
La jeune femme un peu gênée, fait mine de penser à autre chose en sentant ces doigts délicats sur son ventre. Une fois équipé, elle s'empresse de monter sur le tapis de marche et commence à courir doucement, puis de plus en plus vite.
Elle repense au regard de Ice lorsqu'il l'a laissé avec le doc. Il semblait hésiter à rentrer avec eux puis s'est ravisé et est parti furieux. Bizarre.
Faire de l'exercice lui fait du bien. Toute la tension de cette journée retombe et son corps commence à se détendre. Elle pourrait courir ainsi plusieurs kilomètres sans être essoufflé. Elle a toujours aimé le sport, surtout l'athlétisme, mais au lieu d'accepter la proposition de faire partie de l'équipe nationale, elle a préféré mettre ses aptitudes au service des pompiers.
- Marylou ! Marylou !
En prononçant son prénom, le doc la tire de sa rêverie.
- Oui?
- Vous êtes très impressionnante ! Vous courez depuis une demi-heure à la vitesse maximale, sans être essoufflé ni ressentir la moindre gêne ou même suer ! Et votre rythme cardiaque réagit comme si vous étiez au repos ! Laissez-moi reprendre vos constantes.
Marylou obéit et lui tend son bras.
- Excellent! Vous vous sentez d'attaque pour le rameur ?
- Bien sûr, lui répond-elle enthousiaste à l'idée de continuer les exercices.
Au bout de deux heures, Doc met fin au bilan.
- Eh bien, vous aviez raison, vous êtes en pleine forme ! Je n'ai jamais vu ça même chez les meilleurs soldats ! Je vous déclare apte pour prendre du service !
- Merci, dis simplement Marylou.
- Je vais vous conduire jusqu'à votre nouveau "chez vous", déclare Doc tout en ouvrant la porte. Mais à sa grande surprise, Ice attend dans la salle d'attente.
- Je vais m'en charger !
- Euh... Et bien d'accord. Enchanté d'avoir fait votre connaissance Marylou, déclare-t-il avec un grand sourire.
- Merci pour la séance de sport Doc ! Répond cette dernière en lui faisant un clin d'œil.
- Bon, on y va ! Lance le capitaine agacé.
Doc attends que la porte se referme pour appeler le colonel.
- Les premiers résultats sont positifs.
- Je vous attends dans mon bureau.

Les deux capitaines marchent silencieusement, l'un à côté de l'autre, dans le long couloir qui conduit au quartier des soldats.
- Au cas où cela vous intéresse, je suis apte pour le service.
- Très bien, réponds Ice froidement.
- Doc est vraiment très sympa, dit-elle sur le ton de la conversation.
Ice ne répond pas. il a bien remarqué que c'est deux là s'entendent bien. Et cela a le don de l'agacer, pour une raison qui n'arrive pas à découvrir.
- Je peux savoir ce qui vous contrarie !
- Pourquoi ? Quelque chose devrait me contrarier ?
-Je ne sais pas, à vous de me le dire !
Ice sait très bien qu'il est injuste avec Marylou, mais depuis qu'il a posé les yeux sur elle, son comportement le dépasse.
Il a attendu 2h30 en salle d'attente sans cesser de regarder sa montre, se demandant ce qui pouvait bien les retenir aussi longtemps. Puis, quand il a entendu rire Marylou derrière la porte -il n'écoutait pas ce qu'il se passait mais il était juste appuyé contre le mur à côté, se précise -t-il a lui même- il a été à deux doigts de les rejoindre.
Il accélère le pas, sans lui répondre.
La jeune femme marche à la même allure, ne le lâchant pas du regard.
- C'est est ici, dit-il froidement en lui donnant une clé du bout des doigts pour éviter de la toucher. Si vous avez faim, le self est au fond du couloir.
Marylou, hésitante, met la clé dans la serrure. A l'intérieur, elle découvre une chambre aux murs blancs, sans fenêtre bien sûr, dans laquelle se trouve un lit, une armoire et un bureau. Elle entre et remarque derrière la porte une petite salle d'eau avec douche et wc.
Marilou dégluti et se tourne pour faire face à Ice, qui du fait de sa haute et large stature, occupe tout l'encadrement de la porte. Elle le dévisage et remarque la cicatrice qui barre son arcade droite, lui donnant encore davantage de charme et de mystère. Elle se perd dans ses yeux bleus marine oublions tout l'espace d'un instant.
- Un problème ?
- Euh... Non. Où se trouve votre chambre ?
Mais pourquoi a-t-elle posé cette question. Elle se reprend et ajoute.
- Celle de votre équipe, je veux dire ?
- Mon dortoir est juste à côté du vôtre et le reste de l'équipe également. Nous sommes tous dans la même aile, celle de l'armée. Quant aux civils, ils sont dans les étages du dessous.
- Très bien. Merci.
La mâchoire du capitaine tressaute, elle remarque également, qu'il a du mal à la laisser. Elle doit sans doute se faire des idées. Tout ce qu'elle recherche, c'est un peu de réconfort.
Sans un mot, il se retourne et part.
Sentant les larmes montées, Marylou claque la porte et se jette sur le lit. Recroquevillée en chien de fusil, ses nerfs lâchent d'un coup et de gros sanglots la submerge. De violentes secousses la parcours, elle tremble des pieds à la tête, puis elle tombe dans un puits sans fond. La mort de son père lui paraît insurmontable. Elle doit également faire le deuil de son ancienne vie, de son ancien monde. D'une main tremblante, elle ouvre le pendentif pour regarder la photo de ses parents. Elle est seule au monde à présent.
- Papa gémit-elle.
Ses larmes sont intarissables. Toute la tension retombe. Comme si ça ne suffisait pas, des images horribles lui reviennent en mémoire. Elle revoit en boucle le paysage funeste et désolant de ce qu'est devenu la terre. Des monticules de cailloux et de poussière, des cratères aussi grands que des paquebots, plus de faune, ni de flore... Pas une seule trace d'une vie passée.
Que lui réserve le futur ?
Elle avait 25 ans lorsque son père la cryogénisée. En dix ans, elle n'a pas changé. Mais voilà quand seulement quelques heures, ces dix années l'ont rattrapé. Pas physiquement mais psychologiquement. Pleins de questions se bousculent dans sa tête. Pourquoi l'avoir amené jusqu'à New Home? Pourquoi lui avoir demandé d'intégrer l'équipe de Ice ? Pourquoi cet homme diablement attirant se comporte aussi froidement avec elle ? Le cerveau engourdit, les yeux aussi secs que la surface de la planète, le sommeil la rattrape.

En l'entendant pleurer, Ice fait demi-tour. Sa main sur la poignée, il renonce finalement à entrer. Entrer pour quoi faire ? La consoler ? Ce n'est pas mon style!
Et pourtant, les gémissements de Marylou lui déchire les tripes. Il ne sait que trop bien ce qu'elle ressent. Se retrouver seule au monde, sans parents, dans un endroit inconnu, perdu au milieu d'étrangers.
Oui, il sait plus que n'importe qui, ce que ça fait !
Toutes ses années d'enfance passées dans des foyers ou des familles d'accueil lui reviennent en pleine face. Tout comme la solitude, le désespoir. Surtout ce jour où il s'est retrouvé sur le trottoir devant le bureau de l'Aide sociale à l'enfance. Il s'est alors retrouvé abandonné une fois encore, ne pouvant plus bénéficier de leur assistance car étant majeur avec pour seul espoir un chèque en poche.
Mais à présent, il a une famille. L'armée, ses frères d'armes sont sa seule famille.
Marylou va s'en remettre. Elle doit s'en remettre, il le faut !
Mais bon sang, qu'est-ce qui lui prend ? Il ne comprend plus ses réactions, ni son besoin de la protéger, de la consoler. Encore moins cette tension dans tout son corps, lorsque Savage s'est approché de Marylou pour la mater. Ou bien encore, sa réaction en voyant que le courant passait bien, même trop bien, avec le doc. Dire qu'il a réussi à la faire rire alors que lui, n'a fait que l'énerver. Il ne la connais que depuis ce matin et voilà qu'elle envahit ses pensées. Personne ne doit s'en apercevoir. D'autant plus, qu'elle fait à présent partie de mon équipe. Ice reste derrière la porte jusqu'à ce qu'il n'entende plus de bruit.

Marylou se réveille, ne sachant plus où elle se trouve. Ces quelques secondes passent trop vite malheureusement et tout lui revient violemment en mémoire. Son père, l'impact, New Home, et Ice.
Elle s'étire pour dénouer son corps.
- Je dois faire face, murmure-t-elle déterminée à survivre. Mon père m'a sauvé, je lui dois bien ça.
Elle se lève d'un bon et décide de commencer par aménager cette chambre. Sa chambre ! Elle pose son sac à dos sur le lit, ouvre la penderie derrière elle et découvre des treillis à sa taille ainsi que des rangers à sa pointure également. Elle range ses deux jeans, débardeurs, sous-vêtement et sa tenue de pompier sur les étagères. Sur le bureau, elle dépose ses médailles d'athlétisme, son livre préféré, son MP3 et son chargeur. Elle découvre dans la salle de bain, tout le nécessaire de toilette : brosse à dents, savon, dentifrice, peigne, serviette...
Elle prend une douche chaude qui l'aide à se relaxer davantage. Mais elle s'aperçoit qu'elle a oublié son gel douche préféré à la fleur de tiaré qu'elle avait soigneusement mis dans son sac à dos, il y a dix ans en préparant ses affaires.
- Mince!
Elle mordille sa lève inférieure, se concentre et fait léviter le flacon jusque dans sa paume. Son père lui a toujours interdit d'utiliser son pouvoir. Il était le seul à être au courant. Marylou l'a découvert enfant alors qu'elle se promenait au parc avec son père et désirait tant une barbe à papa. Celle-ci est arrivée jusque dans sa main. Heureusement personne ne l'a vu en dehors de Marcus. Ce dernier affolé, la porté jusqu'à la maison en courant et lui a fait promettre de ne jamais le dire à qui que ce soit, ni d'utiliser, ce qu'il a alors appelé « la télékinésie ».
Elle a ensuite respecté sa promesse jusqu'au jour où, avec son équipe, la jeune pompière est intervenue dans un terrible incendie. Coincé en dessous d'une armoire, un enfant de 3 ans pleurait. Ne pouvant soulever seule le meuble et pressée par le temps, elle l'a alors déplacé par la pensée et a ainsi sauver le petit garçon. Ce jour-là, elle a gagné le respect de ses collègues.
Marylou possède aussi d'autres facultés, comme le pouvoir de guérison, découvert lorsqu'elle s'est fait renverser par une voiture. Et apparemment, depuis son hibernation, sa vue s'est amplifiée. Elle l'a compris en entendant la réflexion de Dancer.
Cette douche lui a fait beaucoup de bien mise à part une forte démangeaison dans le dos. Elle essuie la buée sur le miroir, se retourne afin de voir ce qu'il l'a gratte autant. Deux plaques rouges écarlates sont apparues entre ses omoplates. Marylou s'étonne, elle qui n'a jamais été malade, ni aucune allergie, elle se demande comment ces deux lésions ont bien pu apparaître. Dlle hausse les épaules puis s'habille.

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