Programme Marylou

Chapitre IV

Habillé d'un treillis militaire, d'un t-shirt noir cintré et de ses rangers, Marylou entre dans le réfectoire, le dos bien droit et la tête haute, bien décidé à affronter sa nouvelle vie.
Elle n'a pas mangé depuis hier, seulement les quelques sandwichs amener par l'infirmière à la demande de Jordan mais là elle meurt de faim. Tout le monde la dévisage. Ce sont tous des militaires, et pour la plupart, des hommes. Elle remarque qu'un groupe de femmes fait bande à part. Elle continue à avancer jusqu'au self sans prêter attention au messes basses. Elle garnit son plateau d'un bol de céréales, d'un berlingot de lait, de deux gâteaux emballés et d'une tasse remplie d'un liquide couleur pétrole ressemblant à du café. Soulevant son plateau, elle s'arme de courage et se dirige vers la table de ses nouveaux camarades.
Sa nouvelle équipe la dévisage excepté Ice. Scientist est le premier à prendre la parole.
- Bonjour madame.
- Bonjour.
Ce dernier l'invite à s'asseoir. Une fois installé, un silence de mort règne à table.
-Puisque nous faisons désormais équipe, peut-être pouvez-vous m'appeler Marylou et me tutoyer.
- Moi ça me va ! déclare Dancer avec un grand sourire.
Apache hoche simplement la tête en guise d'assentiment. Scientist lui sourit.
- Une femme dans l'équipe ! Il ne manquait plus que ça ! grogne Savage.
Apache envoie une pichenette sur son crâne rasé.
- Bah oui quoi! Comment je vais faire pour me concentrer avec cette beauté pendant nos missions ?
- Parce que ça t'arrive d'être concentré  toi ! Se moque Dancer.
- Très drôle, réponse son camarade vexé.
Marylou se détend peu à peu, l'ambiance lui rappelle celle de sa caserne. Le fait d'y penser assombri son humeur mais elle reprend le dessus refusant de sombrer.
- Alors comme ça, tu étais pompier ? lui demande Dancer.
- Oui et je le suis toujours.
- T'as du en voir de drôles de choses ! continue Scientist.
- Oui , on s'est bien marré parfois, répond-t-elle en esquissant un sourire, tandis que lui revienne en mémoire certaines situations cocasses.
- Vas-y raconte ! s'exclame Savage.
Marylou tout en mangeant et maintenant complètement décontractée, relate des scènes plus loufoques les unes que les autres. Ses nouveaux compagnons rient de ses anecdotes. Seulement Ice, qu'elle observe du coin de l'oeil reste de marbre. Celui-ci se lève brusquement et sort de la salle.
- T'en fais pas ! rassure Dancer. Tu sais maintenant pourquoi notre capitaine porte ce sobriquet.
Ce n'est pas une critique de la part de Dancer , bien au contraire.
- Il est de glace, rajoute Scientist mais c'est grâce à son sang-froid que nous sommes tous encore en vie.
Ses frères d'armes ont beaucoup de respect pour lui.
- Mais il ne rit jamais ? demande par curiosité Marylou.
- Laisse-lui le  temps de s'adapter à cette nouvelle situation, lui conseille Apache.
Appache d'origine indienne, est le plus âgé de l'équipe, la jeune recrue lui donne pas loin des 40 ans : c'est un bel homme à la peau tannée, aux cheveux noirs et mi-long, doté d'un regard noir profond et intense avec quelques petites rides au coin des yeux. Il a le visage ovale, les  pommettes hautes et un nez épaté.
Charismatique et mystique, voilà les deux adjectifs qui le définissent le mieux. La jeune femme n'est pas loin de la vérité, cet homme lit facilement dans le cœur des gens. Dès sa première rencontre avec Ice, il a perçé à  jour la carapace du capitaine. Tout comme il sait que Marylou cache un secret. Gênée par l'attention insistante et sous-entendue de son mystérieux collègue, elle prend la parole et demande quel est le programme de la journée.

Ice s'était pourtant  préparé à la revoir mais dès qu'il l'a aperçu ce matin, son cœur s'est accéléré. Le plus dur a été de sentir son parfum fleuri lorsqu'elle est passée à côté de lui pour s'installer à leur table. Et de l'a voir  dans sa tenue si près du corps qui laissait deviner des courbes très féminines et athlétiques, cela a fini de l'achever. Sa seule défense, a été de rester stoïque et de faire semblant de l'ignorer. Discrètement, il a observé tous ses faits et gestes ; sa façon de se mouvoir, de manger, de sourire, de raconter des histoires... Ça l'a rassuré de voir qu'elle allait mieux. Car cette nuit, afin de vérifier qu'elle allait bien , le capitaine a fini par céder à ses pulsions et est  entré dans sa chambre. Il l'a regardé dormir, recroquevillée sur elle-même, comme pour se protéger d'un danger. Elle semblait si fragile. Toutefois, lorsqu'elle avait compris que son père était mort et qu'elle s'était jetée sur lui, une force incroyable s'était dégagée d'elle, si bien qu'elle avait même réussi à le faire reculer de deux pas. Il n'en revenait toujours pas!
Ice aurait aimé poser sa main sur sa joue, là, où des larmes avaient laissé des sillons. Mais il n'en a rien fait. Il est parti, tranquillisé de la savoir endormi.
Le capitaine a dû ensuite quitter le self ne supportant plus de l'entendre rire avec ses hommes. Peut-être que Savage a  raison ? Peut-être qu'elle sera un élément perturbateur lors de leur prochaine mission ? Mais perturbateur pour qui ?
Plus les questions se bousculent, plus il tape dans le sac de frappe. Il doit arrêter de penser à elle. A chaque vision de Marylou ; un coup. Sa courbe de rein; uppercut. Ses petites fesses rebondies; droite. Ses seins hauts et fermes; gauche. Gauche, droite, gauche, droite... Ice frappe de plus en plus vite, dégoulinant de sueur, ses muscles contractés et bandés par le rythme effréné et par la puissance des coups. Il n'entend pas la porte du gymnase s'ouvrir.
- Et voilà notre salle de sport, explique dancer en entrant avec le reste de l'équipe.
- Capitaine, tu ne nous a pas attendu pour l'entraînement ! se plaint Savage.
Ice se tourne vers eux et son regard s'arrête sur Marylou. Il met plusieurs secondes à baisser les yeux. Il retire ses gants de boxe et s'essuie avec une serviette.
- J'avais besoin de me défouler, répond le capitaine comme si de rien n'était.
- On a fait visiter notre pavillon à Marylou, explique Scientist. Mais pas encore les étages des civils.
- Je les lui ferai visiter plus tard. Voyons ce que notre nouvelle recrue a dans le ventre !
Mais qu'est-ce qui lui prend? Pourquoi a-t-il dit ça ? Les mots sont sortis tout seul. Lui qui ne dit jamais rien à la légère ou sans y avoir réfléchi au préalable. Voilà que ça recommence, il fait n'importe quoi en sa présence ! Ses hommes d'ailleurs l'observent bizarrement.
- Je suis prête ! lance la jeune femme sûre d'elle.
- On commence les gars ! ordonne Ice. Vingt tours du gymnase au trot!
- Ça fait quinze, les cinq derniers en sprint !
Tous accélèrent. Ice est devant suivie de très près par Marylou. Celle-ci passe devant lui sans aucun effort apparent en laissant sur son passage une odeur de monoï et maintient son rythme jusqu'au dernier tour. Ice a toujours été le plus rapide de la base, il active et agrandit ses foulées mais n'arrive pas à sa hauteur.
- Waouh ! Où as-tu appris à courir comme ça ? lui demande Scientist essoufflé.
- J'étais championne d'athlétisme de ma région, dit-elle simplement, sans prétention.
- Et bien, cette fois je pense que tu as trouvé une adversaire à ta taille Capitaine ! lance Savage d'un ton moqueur.
Ice ne répond pas. Marylou l'a vraiment impressionné. Mais il n'est pas surpris car c'est écrit dans son dossier.
- On passe aux pompes!

Marylou a adoré l'entraînement : endurance, pompes, corde et musculation. Faire du sport avec ses nouveaux collègues, les a rapprochés. Les gars ont donné l'impression de l'avoir accepté. Et elle doit bien avouer qu'elle les trouve très sympas.
Scientist sous ses apparences de petit génie est très diplomate et curieux.
Dancer lui, est le plus joyeux et le plus jeune. Tout le temps en train d'esquiver des pas de hip-hop, voilà qui explique son surnom.
Savage du haut de ses 1 m 90, très large d'épaule, tout en muscle, ne fait pas dans la finesse et a un certain sens de l'humour.
Elle ne s'est pas trompée sur Apache. Très discret et observateur, elle a plusieurs fois senti son regard sur elle. Pas un regard mal intentionné mais plutôt un regard examinateur.
Quant à Ice, cet homme est froid comme la banquise. Mais lorsqu'ils l'ont surpris en train de s'entraîner, et que leur regard se sont croisés, ses yeux lui ont dit le contraire. Elle a cru y percevoir une certaine fragilité et du désir. La tension entre eux était palpable.
Y aurait-il des sentiments sous ce blindage d'acier ?
Le voir en débardeur, les muscles saillants et en sueur à accélérer son rythme cardiaque. Marylou à force de côtoyer ses collègues pompiers ne s'enflamme plus à la vue d'un torse musclé. Mais il émane de cet homme une telle sensualité à l'état brut, qu'elle s'est surprise à l'imaginer nu, l'enveloppant dans ses bras protecteurs.
Tous sont ensuite partis se doucher et se sont retrouvés après dans le réfectoire pour le repas du midi.
En passant près de la table du groupe des femmes, Marylou tente d'entamer la discussion.
- Bonjour, je suis...
- On s'en fout ! T'es pas un soldat alors pourquoi t'es là ?
Celle qui vient de lui couper la parole et de se lever pour lui faire face est brune, les cheveux très courts, assez musclée pour une femme et le regard hargneux.
- Je venais juste me présenter ! Et pour ce qui est de ma présence ici, tu n'as qu'à aller demander au Colonel ! Moi je n'ai rien demandé ! répond la jeune femme courageusement.
Tout à coup, Marylou sent dans son dos la présence de son capitaine, les picotements qui lui traversent la colonne en sont la preuve.
- Un problème Marylou? demande-t-il froidement.
- Non mon capitaine, dit-elle sur le même ton sans se retourner, en regardant fixement la femme qui vient de l'agresser.
- Adjudant Storm !
Cette dernière baisse les yeux et s'assied.
- Non mon capitaine.
- Très bien. A table, j'ai faim.
« J'ai faim » a-t-elle rêvé, ou l'intonation dans ces mots sous-entend autre chose. En tout cas, rien que d'entendre sa voix rauque lui  donne des chatouilles dans le bas ventre. Toutes ces sensations sont nouvelles pour Marylou. Elle a bien sûr déjà ressenti du désir pour un homme mais pas d'une manière aussi primaire et puissante.
Une fois le repas terminé, Ice comme promis lui fait visiter les étages des civils.