Chapitre 1

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Auterive, aire de covoiturage

9 minutes de retard. 9 fichues minutes de retard. Cette dénommée Maëlle avait intérêt à se dépêcher, car au-delà de 10 minutes, je partais en direction de Toulouse sans elle. 

Quand mon entreprise avait lancé ce délire d'application de covoiturage entre collègues, j'avais pensé ne jamais être concernée. Afin de m'éviter les fameux bouchons de la rocade, je commençais le travail à 7h15, ce qui me permettait de finir à 15h. Et concrètement, à 6h25 et 15h10, les routes étaient dégagées. Mes horaires décalées me permettaient donc d'être tranquille, et de ne pas m'accommoder d'un partenaire de route. Surtout que j'étais la seule de la boîte, à ma connaissance, à vivre à Auterive. 

Du moins c'est ce que je pensais jusqu'à hier matin, où j'ai reçu cette notification. Maëlle Delmur me demandait si elle pouvait faire les trajets avec moi. Travaillant dans le secteur RH de l'entreprise, je n'avais pas le choix que d'accepter, même si ma solitude allait me manquer. Une bonne partie de mon dimanche, j'avais regardé le profil de cette femme. Il n'y avait pas de photo, pas d'âge, mais d'après la petite phrase de présentation, elle était dans l'entreprise depuis plus de deux ans. Que foutait-elle à Auterive depuis hier ? Et que foutait-elle tout court ?? Il était déjà 6h38 ! On allait finir par être en retard ! 

Ne supportant pas le manque de ponctualité, qui n'était à mon sens qu'une branche de l'irrespect, j'allumais le moteur, bien décidée à partir sans elle. C'est à ce moment qu'une personne arriva en courant. Elle se jeta vers la voiture, et fit un geste timide de la main. 

_ Maëlle Delmur ? 

_ Oui… Pardon… du retard… Je ne pensais pas que l'aire de covoiturage était aussi loin… 

Je ne dis rien, mi-agacée par son retard, mi-amusée par ses joues toutes rouges. Pendant qu'elle s'installa, je pris le temps de l'observer. Elle était plus petite que moi, les yeux marrons, les cheveux quasiment de la même couleur et attachés en chignon négligé. Elle portait un sweat à capuche ainsi qu'un jean, et ses chaussures semblaient être de vieilles Vans défoncées. J'ignorais de quel département elle venait, mais clairement, elle n'était pas du management, du marketing ou des RH. Jamais quelqu'un d'aussi négligé se sentait à sa place parmi nous…

_ Merci de m'avoir attendu. J'ai essayé de vous contacter mais il n'y avait ni numéro ni… 

_ Ce n'est pas grave, pour aujourd'hui. Mais s'il vous plaît, tâchez d'être à l'heure les prochaines fois. 

_ Bien sûr… 

Je soupirai, me sentant mal à l'aise. Je n'étais pas une peste médisante, loin de là. Mais je ne sais pas, j'ai toujours eu du mal avec les personnes en retard, et les personnes qui ne s'impliquent pas. En tant que chargée de recrutement et consultante RH, je me devais d'être bienveillante, à l'écoute et empathique. Mais j'avais aussi appris à cerner les gens, à être impartial et surtout, à analyser sans cesse. Et cette Maëlle ne m'inspirait pas confiance pour le moment. 

_ Vous êtes bien Nelly François ? 

_ Vous ne vous inquiétez que maintenant de mon identité, madame Delmur ?

_ Je… Vous n'avez pas mis de photo alors…  

_ Vous non plus, alors je présume que nous sommes quittes.

Mince. J'agissais comme une méchante dans les films. J'étais taquine et sarcastique, et je la jugeais sans la moindre once de reproche. Qu'est-ce qui m'arrivait ? Peut-être que ma dispute avec Vanessa était bien plus difficile à digérer que prévu. Et le pire c'est que je n'allais pas la voir pendant trois semaines… Les relations à distance sont tellement désespérantes… Peut-être qu'un skype ce soir permettrait d'apaiser les tensions… 

Covoiturage (Histoire lesbienne)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant