Chapitre 6

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Auterive, aire de covoiturage 

J'étais arrivée en avance, ce jour-là. Parce que je n'avais cessé de réfléchir à la conversation de la veille avec Maëlle… et car j'avais évité les appels de Vanessa toute la soirée. Je m'étais donc couchée bien plus tôt que d'habitude, et j'avais donc ouvert les yeux une heure avant mon réveil. 

En arrivant bien avant l'heure de rendez-vous, j'eus tout le loisir d'observer ma collègue arriver. Elle avait toujours une énorme écharpe autour d'elle, et à sa démarche, je devinais qu'elle était plutôt frileuse. Lorsqu'elle entra dans la voiture, elle souffla d'aise.

_ Je suis si heureuse que vous soyez déjà là..  Il fait un froid de canard, dehors ! 

Amusée, je lui souris narquoisement : 

_ Pas trop amie avec le froid ? 

_ Je… oui… Mais regardez comme il fait froid. 

Soudainement, des doigts se posèrent sur mon cou. Au départ, une décharge gelée parcourut mon corps. Mais bien vite, la douceur des doigts de Maëlle me réchauffa. Bordel, Nelly, ressaisis-toi ! Tu ne sais rien de cette fille ! 

_ Votre compagnon ne peut-il pas vous amener le matin ? 

_ Mon compagnon ? Qui ça ?

Elle semblait vraiment étonnée, et je me rendis compte que j'avais parlé trop vite. 

_ La personne qui vient vous chercher le soir ne peut pas venir aussi le matin, malgré l'heure ?

Maëlle rougit légèrement. 

_ C'est mon père… Je… Je suis retournée vivre chez mes parents le mois dernier. 

La phrase me choqua un instant, et heureusement que j'étais sur une ligne droite déserte. Pas courant de retourner vivre chez ses parents à cet âge. Quoi que je disais n'importe quoi, j'ignorais l'âge de la jeune femme. Comme si elle comprenait mon expression, elle déclara : 

_ J'abrège vos souffrances, j'ai 25 ans et en effet, revivre chez mes parents ne faisait pas partie de mon plan de vie. Surtout à Auterive, c'est loin… 

Elle soupira longuement, en s'appuyant la tête sur la vitre. Je l'entendis murmurer : 

_ Même si ça m'a permis de… 

Elle ne termina pas sa phrase, et je la vis du coin de l'œil fermer les siens. Ne voulant pas la déranger, je mis très doucement une musique de la comédie musicale de Roméo et Juliette. C'est alors que je l'entendis chantonner, et mon coeur s'emplit de joie. Elle semblait aimer ces moments musicaux avec moi, et m'avait enfin un peu parlé d'elle... J'étais vraiment heureuse... Bon... Je lui parlerai de ma trouvaille sur l'organigramme une autre fois…

***

En arrivant au travail, Maëlle et moi chantions à tue-tête la célèbre chanson "Les rois du monde". Lorsque je coupai le moteur, je sentis que ni l'une, ni l'autre ne voulions partir. 

_ Comment… s'organise-t-on pour ce soir ? 

_ A quelle heure est la soirée déjà ? 

_ On a rendez-vous dans le bar dès 18h... 

Je fis la moue en calculant le temps d'attente avant. Un bar proche du travail, avec une énorme salle de réception, nous accueillait depuis quelques années déjà. Y aller était agréable, mais mes horaires décalés rendaient ça plus compliqué. 

_ On pourrait… nous y rendre un peu avant et discuter ? 

Je n'avais jamais vu Maëlle ainsi. Elle était légèrement rougie, et semblait… vulnérable. 

Gênée malgré moi, je lui demandai, pour être sûre et, sûrement, pour me rassurer : 

_ Vous… n'avez pas peur de rester un moment seule avec une femme gay ? 

Maëlle me fixa un moment, avant de dire : 

_ Pas du tout ! En réalité, je… 

Mon téléphone la coupa. Vanessa m'appelait encore… Elle n'arrêtait pas, et je n'en pouvais plus. En voyant la photo de ma compagne, ma collègue se gratta la tête. 

_ Je vais vous laisser répondre, Nelly… À ce soir. 

Je n'eus pas le temps de répondre que déjà elle était dehors. Me sentant obligée, je décrochai :

_ Enfin tu réponds !

_ Je n'ai pas beaucoup de temps, je suis au travail. 

_ C'était qui cette nana, hier ?

Je soupirai, ne comprenant pas sa réaction. Si elle était jalouse, pourquoi proposer une stupide relation libre ?

_ Une collègue, rien qui te concerne. Je te laisse, Vanessa.

_ Je te rappelle ce soir, il faut qu'on parle…

Normalement, une telle phrase avait le don d'inquiéter mais, curieusement, je m'en fichais.

_ Je ne peux pas, je sors avec des collègues. 

_ Je présume que cette femme sera présente…

Cette fois, je rigolai amer. Pour qui se prenait-elle soudainement ?

_ Oui. Vas-tu vraiment jouer la possessive maintenant alors que tu couches à tout va depuis cinq ans ? Il n'y a rien avec Maëlle, mais si c'était le cas, j'aurais le droit ! 

_ Nelly… 

_ Je vais au travail. Au revoir, Vanessa. 

En raccrochant, je me sentie lasse. Et au fond de moi, une pensée que j'essayais d'éviter depuis des mois, et peut-être même davantage, commençait à prendre bien de la place…

______

Je tiens à m'excuser pour le temps d'attente entre les chapitres. Le monde du travail n'est pas super facile, et c'est un peu compliqué pour moi en ce moment. J'essaye d'écrire le plus possible, mais c'est vraiment très rare que je puisse le faire....

J'espère que certaines et certains d'entre vous continuent malgré tout de me lire, et vraiment, merci ❤

Covoiturage (Histoire lesbienne)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant