Les rayons pâles du soleil filtraient à travers les carreaux de la fenêtre de la chambre d'Ellen, qui regardait dans le vide.
Elle pensait à Miles. Elle avait besoin de réponses. Comment avait-il pu vivre jusqu'ici en ayant un poids aussi lourd sur les épaules ? Comment pouvait-il... tuer des gens et rester aussi naturel au quotidien ? Cela n'avait-il pas affecté sa relation avec sa sœur ? D'ailleurs, est-ce que Flora était au courant de tout ceci ? Sûrement pas... et tant mieux. Ellen n'osait même pas imaginer la réaction de la petite Flora si, par malheur, elle apprenait que son propre frère était un tueur."C'est l'heure, lève-toi, on doit y aller."
Le cœur d'Ellen faillit s'arrêter en entendant cette voix briser le silence. C'était Miles, évidemment.
La jeune femme se retourna pour lui faire face. Il était debout devant son lit, habillé d'une chemise blanche recouverte d'un veston noir, de bottines en cuir, et d'un jean troué maculé de minuscules tâches de sang par endroits. Il devait sûrement utiliser ce dernier pour... ses occupations habituelles.
La jeune femme lui lança un regard interrogateur et écrivit une phrase sur un bout de papier posé en cas de besoin sur sa table de nuit : "Comment ça "on doit y aller" ?""Tu sais très bien ce que je veux dire par là, Ellen. Tout le monde dort. C'est le meilleur moment pour commencer notre... tâche."
Cette fois, Ellen écrivit plus rapidement : "Mais j'ai promis à Flora de-"
"Faire un tour dans le parc, je sais. Mais si nous y allons maintenant, nous serons de retour avant cet après-midi, je te le promets."
Après quelques minutes de réflexion, Ellen se leva et lui fit signe de partir. Miles fronça les sourcils.
"Ellen-"
Celle-ci leva les yeux au ciel et pointa du doigt une pile de vêtements posée sur un fauteuil. Miles se radoucit : il avait oublié qu'elle ne pouvait pas aller à la recherche d'un tueur en pyjama.
"Oh. C'est vrai, désolé. Rejoins-moi dans 10 minutes dans le salon, alors."
Ellen hocha la tête.
Elle se tourna vers la pile de vêtements, et décida d'y prendre un pull en laine noir ainsi qu'un jean troué. Autant prendre des vêtements auxquels elle ne tenait pas, sachant qu'il allaient sûrement être maculés de... sang dans quelque temps. Elle accrocha son bloc-notes et son stylo autour de son cou à l'aide d'un cordon.
Tout en se préparant, la jeune femme se demanda soudainement pourquoi l'idée de commettre un meurtre l'effrayait aussi peu. Ce n'était pas normal : à sa place, n'importe qui aurait fait ses bagages et fuit de ce manoir lugubre et malsain aussi vite qu'il le pouvait.
Mais pas elle.
Peut-être que son passé y était pour quelque chose ? Elle ne savait pas grand-chose de celui-ci, à part qu'elle avait été déposée dans un orphelinat à ses 10 ans. Mais, avant cela, rien.
Elle décida de mettre ses pensées de côté pour l'instant et rejoignit Miles, qui l'attendait au rez-de-chaussée. Il était installé dans un des gros fauteuils en cuir noir du salon principal, et lorsqu'elle fit irruption dans la pièce il leva la tête vers elle, les yeux emprunts d'une légère touche d'inquiétude."Bien... allons-y."
Ils se dirigèrent sur la pointe des pieds vers la porte du manoir, et Miles l'ouvrit sans bruit. Il se mit de côté de façon à laisser Ellen passer en première. Puis, une fois dehors lui aussi, il la refermât et ils prirent la direction de l'écurie dans le silence.
Ellen était intriguée par l'absence de paroles de la part de Miles. Que lui arrivait-il ?
Une fois à l'intérieur de l'écurie, le jeune homme sortit tout d'abord l'étalon noir qu'il avait l'habitude de monter, et ensuite une jument blanche dont il confia les rênes à Ellen.
Quand il eut posé ceux-ci dans ses mains, il s'arrêta quelques secondes, là, et, plongeant ses yeux dans les siens, il se décida enfin à parler :"Pourquoi veux-tu m'aider ? Tu ne mérites pas une vie à fuir."
Ellen lui fit signe de se taire et écrivit sur son bloc-notes :
"Je ne compte pas te laisser affronter seul toute cette merde."
Miles lâcha un léger ricanement, et esquissa un sourire vaincu.
"Tu es incorrigible."
Ellen lui sourit tristement en retour. Le jeune homme s'écarta d'elle, et, une fois l'inventaire de leur matériel fait, il montèrent chacun sur leur cheval. Puis, maintenant déterminés à en finir avec ce Josh Wellow, ils se dirigèrent au trot vers le grand portail en fer forgé du manoir, débouchant sur une route bordée de sapins maussades qui semblait interminable.
Miles accorda le rythme de son étalon à celui de la jument d'Ellen, pour se retrouver au même niveau que celle-ci. Il fit un signe de tête à Ellen, lui indiquant qu'ils pouvaient aller plus vite à présent, et, donnant un coup de pied à son cheval, il partit au galop. Ellen fit de même. Le vent soulevait dans ses cheveux bruns, et un sentiment de liberté l'envahît tandis qu'ils sillonnaient les bois. Elle tourna la tête vers Miles et croisa son regard. Elle ne sait toujours pas si, ce qui s'est passé à ce moment-là, avait été une hallucination créé par son esprit confus, mais pendant une seconde, rien qu'une petite seconde, une ombre passa sur le visage de Miles. Son beau visage se déforma en celui d'un être qui la fixait de ses yeux dépourvus de pupille. Il possédait de longs cheveux noirs, gras, sa mâchoire était décrochée et sa bouche grande ouverte laissait échapper un filet de sang rouge foncé le long de son menton. Le cœur de la jeune femme rata un battement tandis qu'elle fixait cette chose informe. Sa bouche se tordit difficilement et laissa sortir un mot : "FUIS."
Ellen ferma les yeux, secoua la tête, comme pour chasser une mauvaise pensée, et quand elle les rouvrit, tout était redevenu normal.
Miles avait retrouvé son angélique visage, et il la fixait toujours. Il lui offrit un sourire, qu'elle s'efforça de lui rendre, même si son cœur battait à une telle vitesse qu'elle croyait qu'il allait sortir de sa poitrine.
Elle tourna la tête pour fixer la route devant elle et accéléra.