Chapitre 1

92 12 2
                                    

AUTEURE : ANNA LORAT

ANA

Dans ce bar de Seattle, je suis assise sur cette petite terrasse extérieure en train de déguster un café, en attendant de retourner, à la Maison d'Editions où je travaille depuis un mois.
Assis sur une table en face de moi, un bel inconnu boit lui aussi un café, le regard perdu dans ses pensées.
N'ayant pas vu que je l'observais, j'ai tout le loisir de le détailler. Même assis, il me paraît grand, mince, un profil délicat, des cheveux en bataille où il glisse régulièrement ses mains impeccables, il doit travailler dans un bureau. L'ourlet de ses lèvres paraît une gourmandise.
Mais ce qui retient mon attention, ce sont ses yeux.
Des yeux gris, un peu trop tristes à mon goût. Des yeux qui cachent des secrets douloureux. Un instant, il les ferme comme si cela allait soulager sa souffrance. Lorsque ses paupières se soulèvent, le chagrin est toujours bien présent.
Pour masquer son désarroi, il porte sa tasse à ses lèvres.
Lorsqu'il la repose, le gris silex découvre le bleu. Pendant quelques instants, nos regards restent en suspension, aimantés.
Comme dans un film au ralenti, ni l'un ni l'autre ne veut baisser les yeux.
Les siens restent obstinément mélancoliques. Pourtant une bataille semble engagée entre le chagrin et un demi-sourire.
Alors sans plus réfléchir, c'est moi qui lui envoie un sourire franc et chaleureux.


CHRISTIAN

Enfermé dans ma tour en verre, je n'arrivais plus à respirer correctement.
J'avais besoin de prendre l'air. J'ai quitté GEH à pieds et marché sans but précis, pour me retrouver devant le « The Taproom at Pike Place ».
A cette heure de la journée, les étudiants occupent les tables en dégustant des sandwichs ou des hamburgers avec un verre de coca-cola ou de bière.
A l'écart, je m'assois à une petite table ronde et commande un café.
C'est la première fois que je saute un repas. Mais aujourd'hui je n'ai pas faim.
Mon esprit est tourmenté entre quelques problèmes de logistique au bureau et le néant dans ma vie privée. Un néant étouffant qui se résume par un grand vide dans mon âme anthracite.

Et pourtant, depuis six mois, je ne suis pas seul dans ma vie de couple. Il faut que je vous raconte ma descente aux enfers...

Le 1er janvier dernier, mes parents n'ont rien trouvé de mieux, devant Elena, Elliot et Mia, de me souhaiter le vœu suivant :
« Mon cher fils, avec ta mère, nous souhaitons que cette année, tu rencontres une jeune femme pour construire une famille. A ton âge, il faut y penser a dit mon père».
J'ai failli lever les yeux au ciel.
Le mot construire était très approprié... comme on bâtit une maison ...
Une idée saugrenue, qui n'est pas tombée à côté de l'oreille d'Elena ! Le week-end suivant toujours en présence de mes parents, elle a organisé une soirée.
Elle avait invité une jeune femme qui venait de s'installer à Seattle pour enseigner comme professeur de psychologie à l'université de la ville.

Pourtant dans cette confusion, je me suis pris de sympathie pour la jolie Caroline. Aujourd'hui, je pense que c'était de la curiosité.
Au début, Caroline était une jeune femme charmante et réservée. Mais cela n'a pas duré, très vite la jeune femme réservée est devenue égocentrique avec de plus un caractère rigide. Une fille qui savait exactement ce qu'elle souhaitait obtenir. A priori, elle voulait que je devienne sa chose. Mais aujourd'hui, on ne me manipule plus de cette façon !
De plus, mes parents étaient tombés sous le charme de la demoiselle.

Au fond de moi, une certaine résistance m'empêchait de m'engager officiellement. Pourtant un samedi soir, elle m'a entraîné dans une boîte de nuit, l'alcool aidant, elle m'a embrassé et j'ai cédé à son baiser. C'est comme cela qu'a commencé l'histoire. Caroline est une personne très entreprenante, sur la piste de danse. Voyant que je ne faisais aucun effort, ses mains ont facilement trouvé mon entrejambe pour me mettre en condition. A la fin de la soirée, elle m'a sauté dessus dans la voiture et mon corps endormi depuis plusieurs semaines n'a pas résisté à l'assaut du plaisir.

Nous avons fini la nuit chez elle. Le lendemain matin, j'avais un goût de regret acide dans la bouche. J'avais assouvi un besoin sexuel, mais je n'avais aucun sentiment pour cette fille.
Je m'étais foutu dans la merde ! Et voilà six mois que je sors avec une fille qui me parle mariage alors que moi je freine des quatre fers !

En cette fin juillet, j'essaye de faire le point. Comment sortir de cette galère ? Caroline est partie pour 15 jours chez ses parents à Los Angeles. Elle souhaite que je la rejoigne ce week-end, mais je n'en ai aucune envie.


De plus, depuis plusieurs nuits, je refais les mêmes cauchemars, sur cette enfance de misère et de violence, que j'ai endurée pendant plusieurs années. Les brûlures, les coups de ceinture, les injures, c'était un rituel infernal.

Pourquoi ma vie est si gangrénée ?
Impossible de la dompter ?
Je suis un homme malheureux, meurtri dans ma chair, même si je me compose une façade extérieure.
Pourquoi je n'arrive pas moi-même à me trouver une femme qui me plaise et me convienne ? Une femme où le feeling passe au premier regard.

Je ferme les yeux pour évacuer cet instant de faiblesse.
Quand je les ouvre, je suis aspiré par un regard bleu indigo. Une jeune femme brune se trouve sur la table en face de moi. Je ne l'avais pas remarquée quand je suis arrivé.
Ses cheveux longs retombent sur ses petits seins cachés par une veste noire. Son visage est délicat, on pourrait le comparer à de la porcelaine. Et sa bouche, oh mon Dieu sa bouche est un cadeau du ciel.
Nous nous regardons comme si nous étions hypnotisés.
Jamais je n'ai rencontré une beauté aussi naturelle.
Et comme par miracle, elle m'adresse un joli sourire.
Est-ce un signe du destin ?
Si oui, impossible de le laisser s'échapper !

A  Suivre...

POUR LES BEAUX YEUX D'UN INCONNU - Auteure ANNA LORATOù les histoires vivent. Découvrez maintenant