Ne reste plus qu'une heure et demie avant l'arrivée à Istanbul, avant de prendre un autre vol pour Dublin. Mais avec une autre hôtesse. Moi, je me rendrai à Ottawa, pour rester avec ma compagnie, parce que c'est mon boulot, tout simplement. Je jette un coup d'œil à la petite, endormie depuis longtemps. Je ne vais pas l'oublier, celle-là ! Nous ne sommes pas parties du bon pied, ok, mais j'avoue qu'elle va me manquer. On ne rencontre pas tous les jours une petite fille de cette trempe ! ...Je n'ai pas envie de laisser Ziyao avec d'autres gens. Surtout ses "parents". Ce couple n'a rien compris à la vie : on ne fait pas des enfants pour soi, et on en adopte encore moins pour se rassurer ! Je suis bien placée pour le savoir, quand quelqu'un ne veut pas d'un enfant pour une autre raison qu'un désir parental, le môme finit par être mal aimé.
Je suis née en 1991, lors de la politique de l'enfant unique. Mes parents voulaient un fils, et quand ils ont appris que ce n'était pas le cas, il était trop tard pour avorter, même illégalement. Donc j'existe, merci à eux. Mais lorsque je suis venue au monde , mon père m'a tout de suite adorée. Ma mère, non. J'ai vécu une enfance assez bipolaire, entre les bons moments passés avec mon père et les critiques froides de ma mère. Puis ils ont divorcé. A cause de moi, enfin de l'opinion qu'ils avaient de moi. J'ai été placée chez maman, et je n'ai pas revu papa avant d'être majeure. Elle me supportait, il y avait rarement des disputes à la maison, mais le foyer ne respirait pas la joie non plus... Et ma famille maternelle me regardait de haut lors des fêtes passées ensemble. Durant mon adolescence, j'ai reçu beaucoup de pression sur les études, les garçons, les études et les garçons. Puis à 18 ans, j'ai fugué chez mon père, et elle ne m'a pas retenue ni recherchée. Mais on garde contact, et je reçois toujours des critiques à propos de mon travail et de mon mari et enfants que je n'ai pas. Même si ce n'est pas la même culture en Irlande, je ne veux pas que Ziyao ait une enfance comme ça.
Mais je ne suis qu'une femme sans importance pour la société, hôtesse de 31 ans chez Air China, je n'ai ni le pouvoir ni les moyens de me mêler de cette histoire. Une seule chose est sûre, je ferai tout mon possible pour empêcher Ziyao, cette enfant si mature et capable de tout, d'être malheureuse.
Elle dort toujours. Elle ignore que cette empotée d'accompagnatrice est en ébullition cérébrale pour la sortir de cette situation sans aucun sens. Hé hé... Roupille, tant que tu le peux encore... Il te reste une heure de quiétude avant ce fiasco parental. Profites-en.
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Prend moi sous ton aile
Short StoryZiyao est une petite fille tout fraîchement adoptée et doit prendre l'avion seule pour rejoindre ses nouveaux parents en Allemagne. Guo Hyang, une hôtesse accompagnatrice est sa "tutrice" temporaire durant le vol. Dix heures de trajet pour se conna...